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“Une Soirée Sound System”

Depuis une dizaine d’années, le sud de la France connait un renouveau de la culture sound system et des soirées reggae. En effet, la région Sud-Est abrite maintenant plus d’une douzaine de sound systems, de Cannes jusqu’à Montpellier, en passant par Avignon, Aix en Provence, Toulon et bien sûr Marseille.

Les Dub Stations mises en place par l’association Musical Riot sont une des principales raisons de ce renouveau, et ont permis à un public plus jeune de (re)découvrir le reggae et le dub.

Par conséquent, il n’est pas étonnant que plusieurs ‘jeunes’ sound systems sont apparus au cours de ces dernières années, bien décidés à promouvoir cette culture avec l’aide de leurs aînés. La nouvelle  génération (Welders Hifi, Lion King Dub, Jumping Lion, Natural Bashy…) partage maintenant les affiches avec les vétérans de la scène tels que Lion Roots et Salomon Heritage.

Et pour voir cette nouvelle génération à l’oeuvre, il ne faut pas chercher très loin. A  Aix en Provence, c’est l’asso CMAE et le Jumping Lion Sound System qui sont à l’origine des Skanking Foundation, le repaire mensuel des amateurs de reggae et dub-addicts de la région. Et pour comprendre l’enthousiasme de ces artistes, collectionneurs et autres amoureux de cette musique, voici un court métrage réalisé par Guillaume Trapp qui suit le déroulement d’une des Skanking Foundation et explique les fondamentaux d’une soirée sound system:

AF

Interview Lion King Dub

LKD

L’équipe du Lion King Dub sound system a très gentiment accepté de répondre a quelques questions lors du festival South Bass Attack. Au final une longue discussion au sujet de leurs débuts, de la scène reggae française, ainsi que sur ce que c’est de gérer et de maintenir un sound system,

 

Alors, quand est ce que et comment vous avez commencé votre sound system ?

Charly : En fait c’est parti de 2010, après un Garance en fait. Mathieu, le quatrième du groupe qui est encore au Canada et qui va revenir dans pas longtemps, juste avant la date de Vitrolles – en fait il a fait un Garance, et a pris la grosse baffe sur les sounds systems, notamment sur Blackboard Jungle. Et s’est dit « ouai c’est bon on rentre on va faire un sound. »

Donc c’est assez récent quand même.

Charly: Ouai ce n’est pas très très vieux, c’est 2010 quoi. Fin 2010. Donc on a commencé à construire le sound , on a fait une première version de la sono, et ensuite nos compères Manu et Antoine nous ont rejoint peu de temps après, et puis là on a construit la deuxième version.

Et selon vous, qu’est ce qui fait, ou qui contribue à l’identité d’un sound system

Antoine : déjà il y a le grain de la sono, comment elle va sonner. Le style musical que tu vas jouer – si tu vas être plus roots, digital, UK… très moderne style OBF, plus roots style Blackboard. Après ça va dépendre de si t’as des MCs. Les selectors aussi font l’identité, l’image.

Manu : ouai, il y a une part de sélection, il y a une part de sono aussi. Parce que suivant ce que l’on va jouer en vinyle et en dubplate, on aime que la sono elle sonne d’une certaine manière. On a des tunes qu’on ne va pas jouer sur la sono, il y a d’autres tunes qu’on va favoriser parque qu’elles sonnent mieux dessus.

Et puis on est 4 séléctors dans le sound system. En France c’est pas courant d’avoir autant de selectors, du coup on se concerte, on regarde un peu les tunes qui nous plaisent dans les boxs, celles qu’on vient d’acheter, les dubplates qu’on vient d’acquérir tous les quatre… et on essaye un peu de se coordonner et de créer une identité complète. Avec 4 selectors c’est pas facile, mais au fil des ans on y arrive de mieux en mieux et on arrive à proposer quelque chose de propre, et qui ressemble à du Lion King Dub quand on joue. Nous ce qu’on veut c’est que les gens qui ne soient pas forcément devant le mur, qui sont à peu à l’extérieur du sound, arrivent et se disent « tiens, la d’après ce que j’entends c’est les Lion King Dub ». D’après le son de la sono, d’après leurs sélections… et après on reconnait aussi les voix au micro. Donc voilà, je pense que c’est un tout le sound system, c’est les MC, le son, et surtout le son qui supporte les vinyles.

Charly : et une complémentarité aussi je pense. Par rapport à notre cas ou on est quatre, on va avoir des sélections du Lion King Dub en unité, mais on va aussi avoir chacun des petites préférences de style. Et c’est vrai que nous quatre réunis ça fait un peu l’arc en ciel, t’as vraiment une couleur pour chacun.

Antoine : c’est vrai qu’au final il y a Charlie et Mat qui sont, pas pour caricaturer, mais qui sont plus dans le Aba Shanti style, tu vois, vraiment sound system traditionnel UK au niveau des basslines et tout. Et après avec Manu parfois on tend plus vers des trucs assez moderne, un peu plus électronique.

Manu : on essaye de jongler avec tout ça, et de proposer aux massives tout ce qui est frais, récent, et dans différents styles. Alors on va jouer du roots, on va jouer du digi-roots,  du dubwise. Alors comme il dit Antoine, il y a des dubwise qui sont un peu plus rootical que d’autres. Et ensuite, on voit que les massives ils réagissent devant la sono, donc là on va passer des sonorités un peu plus modernes,  qui jouent sur les basses, les basses un peu plus wobble. Et le tout ça crée une sélection, et on essaye que ça soit cohérent. Et je pense que c’est un pari réussi, on y arrive de plus en plus, et du coup on se fait plaisir.

Ce n’était pas simple au début d’avoir quatre selectors, parce que chacun voulait jouer ces sélections, et des fois c’était un petit peu contraire à celle d’avant et à celle d’après. Mais aujourd’hui je pense que quand on passe la main au séléctor d’après, on lui sourit parce qu’on arrive à s’aligner.

Et puis souvent j’ai remarqué que dans les sounds ou ils y a plusieurs selectas, ça rajoute une ambiance, de voir l’échange

Charly : Bin disons que pour un selector, tu as plusieurs sentiments. Tu as le sentiment de te dire « putain celle-là je l’ai écouté chez moi, elle me fait ressentir des choses, j’aimerais voir si les gens sentent la même chose, reçoivent le même message ».
Et c’est vrai que même si des fois tu as une tune que t’aime bien, tu te retournes vers le groupe pour voir avec eux, et là ils te font « ouai ouai là c’est le moment où il faut la passer, c’est maintenant ».
Et pourtant ce n’est pas forcement la tune que le bro va avoir dans ses favoris, mais il sait que c’est la carte à jouer maintenant, c’est maintenant qu’il faut la passer.

Ça revient du coup à la question de reconnaitre, lire la vibes, comment reconnaitre le moment vraiment spécial.

Charly : Après c’est une vibes qui est bizarre, parce que des fois tu as envie de la jouer cette tune, et sur deux soirées différentes, tu peux la même à la même heure, même moment, il y aura à peu près le même nombre de gens, ça va pas forcément réagir pareil.
Donc ouai, il faut essayer de capter l’attention des massives, et voir si ça va capter.

C’est un peu un dialogue au final.

Antoine : et d’autant plus que nous on anime, mais on ne va pas chanter, on ne va pas toaster, on n’est pas des chanteurs donc d’autant plus qu’on va inviter des gens.

Manu : C’est pour ça qu’on est amené souvent à inviter des MCs qui viennent d’ailleurs, on prend contact avec eux parce que c’est des brothers a nous, et on les appels, et on fait « man, on va jouer à tel endroit et il nous faut un MC, parce que c’est une grosse date », et à ce moment-là il fait son aller-retour. On travaille beaucoup avec les frangins du coin, du sud-est de la France – donc dès qu’on a des opportunités de faire travailler des MC locaux, on le fait. On a travaillé pas mal au début avec Ras Mykha, un chanteur parisien qui nous a suivis sur deux-trois dates, notamment les toutes premières de la Lion King Dub avec la sono rouge. Bon malheureusement c’est un frangin qui habite dans le nord, donc suivant les moyens qu’on a on n’a pas souvent l’occasion de l’inviter, mais on pense à lui et il pense à nous je pense (rires)
Et sinon, bin notamment pour Vitrolles, on a pris contact avec Hugo de Roots Powa Sound System, qui est aussi au festival South Bass Attack. Tonton Charly a pris contact, il nous a dit « bon écoutez, je voie bien Hugo sur nos versions pour le 9 aout, ça nous apporterait un petit plus sur la sono ». Plus que de l’animation simple au micro, mais du chant. Et puis on connait Hugo et il a un réel talent au micro, et du coup sur cette date on va travailler avec lui.

Et les MC sont plutôt rares, donc on fait des recherches sur internet, on regarde des vidéo sur YouTube, des sessions live, on voit quel chanteur est avec quel sound dans le sud est – on dit “ah tiens lui c’est pas mal, on va prendre contact avec lui”. Et on se bouge dans les danses, on va prendre contact avec les MCs. Mais on essaye de travailler avec des breddrins qu’on connait un maximum.

Charly : et les sistas quand il y en a. Comme là il y a sista Daba. Elle est passée sur le Garance, elle a passé une tune avec les blackboard et ça a vraiment mis le feu.
Elle a sorti un vinyle avec Amoul Bayi – qui est un label de Marseille, big up a Fabyah d’ailleurs. Et ouai, c’est bien. Comme hier soir quand il y a eu deux sista qui ont pris le micro, et qui assurent vraiment, les voix féminines c’est bien aussi. Ça change, ça remet du frais… Après, elles ne sont pas assez nombreuses.

Après il y a quand même une différence entre faire de l’animation, et vraiment chanter et être MC.

Antoine : vu qu’on n’a pas de MC avec nous et qu’on n’est pas forcément bon dans le chant et tout, on se doit d’autant plus d’avoir des tunes qui sont fortes aussi dans le message ou dans la vibes pour la partager, parce qu’on n’a pas forcément le micro pour s’exprimer vraiment.

Manu : et ça me fait penser que hier soir, sur deux-trois versions qui suivaient les vocaux on a demandé à Sébastien qui fait partie du sound system Natural Bashy, qui prend le micro plus aisément que nous on va dire. Donc il était à coté de nous et on lui a dit « seb, prête nous main forte, viens sur les versions », et il a toasté deux trois lyrics dessus, et ça fait bien plaisir. Ça apporte quelque chose en plus. Tu joues le vocal avec des lyrics, avec un message et tout ça. Et suite à ça tu joues la version, c’est dans la tradition des sounds systems – et s’il y a des MCs dans le coin, tu les appelle au micro, tu fais un petit clin d’œil. Les mans ils viennent, ils prennent la version, et ça rajoute de la pèche dans la danse.

C’est vrai. Et je sais quand j’ai vu les danse en Angleterre, en France on dirait qu’il y a plus, peut-être pas collaboration, mais d’échange, de partage.

Antoine : c’est vrai que même les mans comme Dubkasm, Murray man ils nous disent qu’aujourd’hui on a rien à leur envier, c’est chez nous que ça se passe. Et puis il y a un délire beaucoup moins clash. C’est plus centré sur l’unité, les rencontres, meetings… la plupart des flyers tu ne vois pas « clash » dessus, tu vois « meeting ».

Manu : et puis dans le milieu des sounds systems « à l’anglaise », quand on dit ‘versus’ ou ‘clash’ ça reste quand même bon enfant. Mais c’est revenu il y a quelques années ça en Angleterre, où tu peux voir des ‘King Earthquake clash with Iration Steppas’. Mais c’est très cool, c’est des breddrins qui se voient aux platines et qui se montent la pression à coup de dubplates et à coup d’ampli.

Antoine : mais c’est vrai que cette vibes, comme tu dis un peu plus dans l’unité et tout, je pense que  ça se ressent surtout dans le public, et tu vois qu’il y a très peu de violence dans ces évènements, il y a très peu de débordements, c’est toujours dans la bonne humeur, il n’y a pas trop de vols…  Je veux dire hier soir on nous a ramené un porte-monnaie, un téléphone…

Mais ça c’est due au message non ?

Manu : bien sûr ! À partir ou tu moment où tu joues un message d’amour et d’unité… enfin le jour on nous invite en disant « bon les Lion King Dub, on veut se clasher avec vous », on refuserait de suite. Pour nous ce n’est pas possible. On est là pour partager, leurs faire des gros big up au micro… on est loin de les siffler, même si ça reste dans un délire au second degré, ce n’est pas notre truc.

Charly: c’est à l’opposé de notre message quoi

Manu : on préfère faire des « untel in unity with untel » plutôt que « untel versus untel ». Même si le versus ne veux plus dire grand-chose, c’est juste pour que les massives ils se disent « tiens il va y avoir un peu de compétition ce soir, ça risque d’être un peu excitant ».

Antoine : et puis c’est vraiment pour tout quoi, c’est vraiment de A à Z. Nous par exemple on arrive, il y avait des mans donc il y en a quelques-uns qui nous ont aidé à décharger la sono, Hugo il est arrivé plus tard, donc ils sont tous allés l’aider parce qu’il arrivait tard pour vite qu’il monte sa sono…

Charly : voilà, c’est l’unité et le partage, et des fois t’a vraiment des surprises. On a fait une date à Néoules, où on était avec Solo Banton, Stand High, Soom t, et on  a eu la grande surprise en jouant la tune de Daba. Et en fait, dans le public il y avait Ganja Tree, qui est venu jusqu’au stand, et puis il a pris le micro et il a fait sa version quoi.
Donc voilà, là tu restes un sur le cul. On ne savait pas qu’il était dans le coin forcément. Et ça fait une belle surprise quoi, un beau cadeau autant pour nous que pour le public.

Antoine : de toute manière on ne fait pas ça pour l’argent. Ca ce sait dans le milieu. On n’est pas là pour gagner des sous, on a tous nos jobs a côté, nos vies a côté.

Charly : des fois même on mange beaucoup de pâtes [rires], pour pouvoir justement assurer notre petit plaisir partagé.

C’est vrai que c’est une passion au final

Antoine : c’est ça, c’est une passion. Parce qu’on fait des bornes, des fois on fait des bornes pour peu. Le temps, si tu calcule, pour aller de A à Z, montage de sono, démontage…Le temps de logistique pour le temps de jeu il est énorme.

Manu : Bin tu réfléchis que sur un festival comme celui où l’on est depuis deux jours. Si tu calcule 7 sounds systems, chaque sono ou chaque selector va jouer en tout et pour tout 25 minutes/ 30 minutes sur deux jours. C’est vraiment l’exemple pour dire qu’on ne vient pas que pour nous – ce n’est pas que Lion King Dub. On sait qu’on va louer un camion, on va passer du temps à charger la sono, à faire 3h30 de route, on va installer la sono sur place, on va jouer – très peu de temps, parce qu’il y a beaucoup de sounds, et qu’on partage le temps – ensuite tu remballe le sound, tu remontes dans le camion, tu reviens à la maison, tu décharge à la maison… et tu vas te coucher et le lendemain tu bosse.
Des fois c’est très peu de temps de sélection pour beaucoup d’heures d’organisation.

Charly : mais d’un côté tu te mets à la place du massive. Tu regardes le festival où on est qu’a organisé Bass Explorer, c’est énorme. Pour un prix super dérisoire [ 15 euros], tu peux avoir 48h de son non-stop, et surtout, et c’est ça qui est énorme, c’est que tu peux avoir un échantillon de chaque sound diffèrent. Et là on revient à la sonorité, à la vibes que chaque sound va avoir – ils vont chacun avoir leurs préférences. Et ce qui est bien c’est que tout le monde sera content, et pendant 48h chacun va avoir un petit échantillon. Et logiquement, bin tu ne joues peut être qu’une demi-heure, mais tu joues les tunes les plus fraiches

Manu : celles qui définissent le sound

Charly : voilà celles qui définissent notre son. Bon je ne vais pas dire qu’on passe des tunes pour faire passer le temps, mais la t’essayes vraiment de faire le nectar.

Manu : et puis des fois c’est un peu de l’expérience. On a une radio tous les mardi soir depuis deux ans. Et on joue des tunes à la radio, des tunes qu’on peut retrouver également quand on les joue en live. Et des fois c’est un peu une expérience parce qu’on se dit ‘tiens celle-là on l’a jamais joué sur la sono’, on va la tester et on va voir la réaction que ça donne. Et donc des fois c’est aussi être sûr de soi, connaitre ses morceaux – et des fois c’est jouer un nouveau truc, prendre un risque, jouer cette tune-là qui est un peu différente de toutes les autre auparavant et voir si ça fonctionne. Alors soi il y a une étincelle dans les yeux et les gens ils adorent et on la remet depuis le début ; et des fois on voit que les massives, bin ils sont allé acheter une bière à coté parce que on était plus dans le même bain.

Charly : c’est vrai, c’est super difficile – juste un petit aparté personnelle – les sélections des sets, depuis 2006 – j’en ai fait avec un autre sound avant, c’est vrai que j’avais la fâcheuse tendance de tout organiser. De dire je vais passer cette tune en premier, puis celle-là, celle là… A la limite mettre un CD ça aurait presque été pareil, parce que je les pré programmaient et j’imposais au massives le programme. Et c’est qu’après avec l’expérience, t’essaye de te pas tout prendre – comme si tu faisais un peu la cuisine et t’avais plein de légumes, peut être tu ne vas pas tout prendre mais tu mets un peu de si, un peu de ça. Et peut-être prendre un petit peu plus au départ, prendre un éventail, et puis aviser au moment.

Manu : l’avantage d’être quatre membres dans le crew c’est qu’on apprend énormément de ses copains. Moi depuis que je suis rentré dans Lion King Dub, je faisais du son avant, on faisait tous du son avant, et du coup entre nous on s’est appris énormément de choses.
Moi notamment dans le technique du sound, avec Matthieu qui est fort dans la construction, Tonton Charly dans l’électronique et tout ça. J’ai appris de la sélection avec Antoine.. Je crois qu’on a tous appris les uns des autres, et aujourd’hui, plus on avance dans le temps tous les quatre avec la sono, et plus on acquiert de l’expérience.
Et je remercie mes trois frangins du Lion King Dub d’être toujours présent, parce que tous les jours j’apprends avec eux. Alors des fois je fais la gueule sur un truc parce que je refuse de l’entendre, mais au final je vois que ça m’apporte un putain de plus dans le future.

C’est vraiment dans l’échange

Manu : ouai c’est vraiment dans l’échange

Charly : il y a moins d’individualisme qu’avec un DJ qui a préparé son set, par exemple les mecs qui vont préparer tout leur set. Et c’est vrai qu’il faut amener de la surprise, mais aussi du contentement. Il faut jongler entre toutes ces vibes.

Et le coté home-made, qu’est-ce que ça vous apporte ?

Charly : bin comme on a dit, ce qui est bien dans le sound system c’est qu’on a vraiment tous nos points forts. Par exemple moi au niveau culture musicale, je connais que dalle (rire). Après je ne sais pas si c’est bien de dire ça en tant que selecta, mais j’aime vraiment la tune que quand je l’entends. Par contre à l’inverse j’ai un côté très bricoleur – pour moi c’est une solution, un truc à trouver, un truc à réajuster…  A côté tu as Manu par exemple qui va être une bible vivante, il va te dire le mec il a enregistré ça, c’était un jeudi soir, quelle année… Antoine il va ramener la fraîcheur par exemple. Bon c’est un peu bête a dire, je suis le plus vieux du sound, mais il va ramener cette fraîcheur quand moi par exemple je vais être un peu plus orthodoxe. Et moi aussi ça me fait du bien, j’apprends de ça et ça me permet de m’ouvrir aussi.

C’est toujours un esprit de groupe. On a commencé a vraiment trouver ce feeling. C’est un peu ce que disait aussi Manu tout à l’heure, c’est un peu ce qui nous a été dit gentiment – une critique n’est jamais négative, elle est constructive. Et c’est d’autres sound qui sont arrivés, qui nous ont dit « franchement les gars, nickel votre sélection, par contre c’est brouillon – vous passez un roots, derrière il y en a un qui va passer un dub énérvé ». Et parce que peut-être qu’au début chacun voulait se faire plaisir individuellement, et en fait on a compris au bout d’un moment que c’est dans l’unité. Le mec ou la fille qui vient écouter Lion King Dub, ils vont écouter un ensemble.

Antoine : Ouai, pour revenir sur le home-made. Mat et Charlie qui sont très bricoleurs. C’est vraiment Mat qui a tout réfléchit, qui s’est renseigné sur la sono – et après nous derrière on était là pour couper le bois, pour coller. On apporte chacun notre truc. Mais c’est vrai que le coté home-made, c’est ta sono à toi, tu l’as faite de tes mains.

Charly : Après c’est un peu comme l’arc en ciel des compétences, qui rejoins un peu l’arc en ciel des émotions quand tu joues, et la fluidité entre les deux. Je pense que maintenant on est arrivé à une fluidité instinctive. Par exemple si on a des petits trucs d’une demi-heure, par exemple hier soir on s’est dit « bon là on est trois, il y en a deux qui jouent un petit quart d’heure chacun ». Si on commence à prendre 10 minutes chacun après on commence à revenir dans le trip où chacun essaye de jouer sa tune à lui.

Manu : et puis ce qu’on essaye de faire aujourd’hui, si on sait qu’on a une danse prochainement, et bien on favorise deux selectors sur le timing cette fois-ci, et puis deux selectors sur la prochaine. Parce que c’est vrai qu’aujourd’hui, on aime jouer en unité avec énormément de sounds, du coup on accepte aussi le fait qu’on ne va pas jouer longtemps. Comme dis tonton, on ne va pas proposer aux massives quatre selectors sur 30 minutes. Même si on essaye de rendre ça évident, à un moment ils vont être complètement perdu. Mais des fois quand on a un peu plus de temps on se regarde tous les quatre est on se dit bon là on va jouer une tune chacun, et puis ça n’empêche pas non plus la cohérence dans le son

Charly : exactement. Par exemple ce matin on a fait une tune chacun, et c’est bien passé, mais c’est une autre ambiance. Si on avait eu une heure hier soir, ça aurait peut être été différent. On aurait peut-être fait un quart d’heure chacun, histoire d’enchainer au moins deux-trois vinyles chacun.

Antoine : Je pense aussi qu’on a la chance d’avoir la radio aussi, parce qu’on joue et on s’exprime tous les mardi soirs.

Manu : et les bars dans lesquels on joue également. Parce qu’à l’heure actuelle, on ne peut pas sortir la sono tous les weekends, c’est une réalité.

Parce que vous êtes basé où exactement ?

Manu : on est à Toulon, la Seyne-sur-mer.

Antoine : Six-Fours, dans le var quoi

A oui parce que j’avais vu que pour la fête de la musique vous avez fait la session sur la plage à Six-Fours

Manu : Ouai on a joué sur la plage de Six-Fours. Ça fait deux ans qu’on a ce coin, et c’est un de nos meilleurs endroit je crois.

Charly : et par rapport à ça, je rebondit sur la fête de la musique. Une date de fête de la musique, c’est pas une date comme les autres, c’est pas une date comme ces 48h de festival, ou une date avec Musical Riot. C’est une date où tu vas plus faire découvrir aux gens, donc peut-être pas forcément partir sur des choses super pointues, énervés ou très fraiches, parce que les gens seront complètement perdu.

Il faut savoir – sans se mettre en avant – qu’on est le seul sound system à jouer à l’anglaise dans le Var, avec un sound system. Tu vas avoir des villes comme Montpellier où il va y avoir 10 sound system, mais attention, des sounds systems de qualité, comme Salomon Heritage, Jah militant, à qui on fait un gros big up. Se sont vraiment de très gros activistes, et qui sont seuls surtout – ils ont des boxmen, mais ils sont seuls a gérer toutes leurs soirées, et ça c’est chapeau.

Et comme je reviens à la fête de la musique, là on va plus faire découvrir aux gens. Et c’est vrai que, vite fait on va avoir le reggae Jamaïcain et l’identité qui viens de l’Angleterre. Nous on a fait le choix de l’Angleterre parce que ça nous parle plus, émotionnellement parlant. Slackness et tous les trucs comme ça ce n’est pas pour nous. Après respect à tous ceux qui font leur truc, mais il y a des paroles et des lyrics que je ne peux pas accepter.

Et ça, ça fait partie de l’identité du sound

Charly : tout à fait. Et en revenant sur cette date, ce qui était bien c’est que tu avais des petit de deux ans – bien sur un peu écarté du son – et ça allait jusqu’à 70 ans. Et c’est là que tu capte en fait, tu n’imposes pas ta musique, tu capte les gens. Et alors là où c’est vraiment marrant, c’est quand tu as des personnes qui ont 60-65 ans, ils viennent vers toi et te disent « mais c’est des vinyles que vous jouez ? ». Et pour eux c’est un petit peu leur jeunesse.

Maintenant c’est vrai qu’il y a plein de formats – bon on essaye de jouer 100% vinyle mais quand tu passes des dubplates, on va pas faire tout presser non plus, on a pas des budgets de folie. Mais voilà on essaye de jouer un maximum en vinyle.

Antoine : Et après il y a aussi le fait qu’à la fête de la musique, les gens il voyaient cette sono rouge, énorme, qui vibre, et c’est là qu’il comprennent ce que c’est que la culture sound system.

Manu : et surtout c’est le seul moment dans l’année où on joue chez nous. Parce qu’aujourd’hui il est très difficile sur l’aire Toulonaise. Aujourd’hui il y a énormément de salle alors soit qui ont leur propre systeme de sonorisation, qui leur ont couté très cher, et quand nous on arrive avec un projet de faire une danse, ils nous disent pas de soucis. Mais quand on leur montre des photos et qu’ils voient la sono, une grosse sono rouge, ils nous disent « oubliez la sono les gars – on a mis je ne sais pas combien dans les satellites, les subs et tout ça, on a tout ce qu’il faut pour vous insonoriser, vous venez juste avec deus platines ».

Du coup on a toujours cet espèce de mur en face de nous. Nous on est un sound system, donc quand on veut jouer sans sono on va dans les bars. Si on va à l’encontre des salles, c’est parce qu’on a une sono artisanale à sortir, on a envie de jouer dessus parce que le reggae s’écoute de cette manière. Du coup on a ce mur de gens qui disent « non désolé, on accueille pas sono parce que ça fait trop de bruit, soit parce qu’on veut rentabiliser notre systeme de son à nous ».

Ca et aussi beaucoup de salles ferment très tôt à Toulon – c’est minuit ou 1h du matin. Aujourd’hui tous les massives sont concentré la plupart du temps sur Marseille/Aix en Provence, donc pour les faire venir en voiture sur Toulon, ils font 1h à 1h30 de route, et si la soirée finit à minuit/1h du matin et que les mecs ils ont fini de bouffer ou de faire l’apéro vers 11h, ils comptent sur un 5h – 6h du matin. Minuit ou 1h du matin, les mecs ils restent chez eux. Donc aujourd’hui on cherche des salles qui nous accueillent avec un sound system et qui puissent nous faire terminer au maximum 5h, au minimum 3h du matin.

On continue de chercher et en attendant on se fait inviter. Mais on a l’opportunité d’être de bons amis avec pas mal de sounds dans le sud-est de la France – notamment tous ceux qui sont là ce weekend. Donc eux nous ont invités pas mal de fois, et on travaille dur pour leur rendre la faveur et les inviter un de ces quatre, d’avoir nos propres danses sur Toulon avec un thème, des soirées trimestrielles… Mais aujourd’hui ce n’est pas simple à Toulon.

Mais ça c’est au niveau des salles; Les massives ils sont là. Quand on va a des concerts de reggae, dans des grosse salles de concerts, les salles sont pleines – on le voie ça à l’Omega Zenith à Toulon, quand il y a des concerts roots, il y a énormément de personnes qui adorent le roots. Mais qui ne connaissent pas forcément le délire sound system. Pour eux c’est simplement poser deux platines dans un bar avec un MC.  Le sound system c’est un tout – c’est les séléctors, c’est des colonnes de son…

C’est vrai que le sound system c’est une autre manière d’apprécier la musique

Antoine : voila, c’est de la vivre.

Charly : le coté anglais, par rapport au côté Jamaïcain, est très peu connu. C’est pour ça qu’avec des fêtes de la musique on va peut-être faire découvrir à des gens. Et au delà de ça, on essaye à la radio de développer ça et de le faire entendre.
Malheureusement tu ne peux pas tendre un plat a quelqu’un et dire « vas-y mange », il va gouter avant. Et bin en fait les gens goutent avec la radio et des petites choses comme ça, et après ils viendront festoyer avec nous.

Un autre truc qui intrigue – là ça va faire 5-7 ans que le reggae en France, la scène sound system commence à vraiment grandir.

Manu : vraiment, c’est grâce à Musical Riot en France, qui a énormément développé la scène sound system. Moi j’ai découvert les sounds systems en revenant de l’océan indien en 2003-2004, je me suis de-suite rapproché de ces soirée-là, parce que j’ai découvert le sound system avec King Shiloh.
En France, c’était au début des année 2000 – Shaka et Aba Shanti sont descendu à Paris fin ’90, début des années 2000, donc c’était encore dans le nord de la France. Et dans le sud,  ça a commencé vraiment en 2000-2001 avec Musical Riot qui organisait des soirées avec des sonos. Et là on allait voir ça quand on était youth

Antoine : ouai, King Shiloh cette danse au bois de l’aune, on était tous jeune. Moi c’est cette  danse qui m’a fait dire « putain, un jour aussi j’aurais un sound system ».

Charly : le pire de tout, c’est que toutes les personnes qui sont présentes à ce festival, ont tous quasiment découverts le sound system ce soir là – par exemple Anne Luminy, qui est une grosse activiste dans la scène du sud, qui était à l’origine des University of Dub à Luminy, et qui étaient vraiment  des évènements énormes. Et ce qui est marrant c’est qu’on était tous présent à cette soirée là – et on ne se connaissait pas à l’époque.

Manu : c’était en 2004, King Shiloh à la salle du bois de l’aune.

Charly : on n’avait jamais vu ça avant, tu te prends une claque.

Antoine : donc à partir de là, ça a fait ça pour pas mal de monde. Tu prends cette claque de basse, c’est des bonnes vibes, c’est du reggae, mais c’est un peu électronique aujourd’hui –  donc ça touche plus en plus de public… Il y a une bonne ambiance, les gens l’apprécient – et c’est pour ça que ça monte en flèche. Et tout le monde voit qu’au final c’est réalisable de monter une sono, et de gérer une sono.

Manu : surtout tu as énormément d’aide aujourd’hui pour monter une sono. A l’époque si tu voulais monter une sono même au début des années 2000, il fallait prendre son mètre, aller dans les danses et mesurer les boxs comme ça. Il fallait vraiment aller dans les danses au poser des questions au opérateurs pour pouvoir monter une sono complète.
Et aujourd’hui tu peux aller sur google, taper ‘monter un sound system’ et t’as des forums.

Antoine : c’est vrai, c’est indéniable que le net a contribué à cette montée.

Charly : sur l’aide, on a deux grosses expériences. La première est quand Mat avait commencé à commander le pré-amp. Et quand il l’a reçu, il l’a mis sur sa page facebook, et le grand frère Steph’ de Lion Roots  – à qui on fait un gros big up – quand il a vu l’image il nous a dit de venir tester le pré-amp sur sa sono. Il nous connaissait ni d‘Eve ni d’Adam, et puis c’est quand même un grand frère qui est là depuis plus de 15 ans dans la partie, donc quand il nous a dit ça, c’etait énorme quoi !
Et il y avait une date juste après à Montpellier, et on est monté là-bas et on a eu la chance de croiser Channel One. Et pareil, ce petit regard de Channel One qui rentre dans la salle avant la soirée. Nous était des petits jeunes qui arrivaient avec notre pré-amp, Steph avait fini tout son check up, son branchement, et il nous a dit de le tester. Il y avait de la curiosité de son côté parce que nous c’était un Jored et lui il utilise un Irad Processor.  Et t’a Channel One qui rentre, ils viennent te checker, et ils te disent « alors les youths ça va commencer ? Vous allez envoyer ? ».
Et c’est fou ces petits passage dans ta vie. On n’a pas parlé pendant des heures, mais tu sentais quand même que la vibes passait.

Pareil avec notre bredda JB, ex-membre des Jumping Lion qui nous a énormément aidés. On a commencé le sound avec Mat, on avait les pré-amps et tout ce qu’il fallait, mais on était le genre « bon comment on branche en fait ». Et une des premières soirées, grâce à Anne Luminy, on a eu l’occasion d’aller sur une des date de dub station avec les OBF. On les a questionné et pareil, les frangins super cool, ils ne se prennent pas la tête – ils nous disent « on n’est pas ingé son, on a appris ça sur le tas ».

Et ce JB ils nous a fait des prototypes de caissons, qu’on était les seuls à avoir – et dans le partage, dans tout ça tu vois, le truc t’as JB qui viens nous voir dans une soirée il nous demande si on est content avec, et il vient humblement te voir et te dire « au fait, ça te dérange pas si les plans je les passe à un autre brother ? ». Et bien sûr que non, c’est tes plans !

Et justement, le fait que tout le monde commence amateur, c’est fait par passion et que ce n’est pas vraiment professionnel c’est peut-être pourquoi il y a tant de solidarité.

Charly : tout à fait. Tout le monde se tire vers haut.

Antoine : c’est très ouvert, très accessible. Je pense que c’est peut-être pour ça que ça évolue aussi en France. Parce qu’un minot s’il est curieux, il peut accéder facilement à certain artistes, que ça soit amateur comme nous ou un peux plus grand, ils vont te parler facilement et t’expliquer deux trois trucs si tu demandes…

C’est ça aussi l’autre principe du sound system, tu peux vraiment discuter avec les gens contrairement au live où il y a une séparation

Manu : ouai parce qu’on est au même niveau que les massives, on n’est pas comme un groupe traditionnel. On ne monte pas sur une scène à deux mètre de haut des massives, avec des grosse barrières de sécurité, et où pour nous parler il faudrait utiliser Facebook. Non, on est au même niveau que les massives. On met des barrières sécurité attention, parce qu’aujourd’hui à trois heure du matin les mecs ils sont un peu plus chaud qu’à 8h du soir. Et ils sont tellement excités par les sons que des fois il y a des mouvements et tout ça. Mais on reste à proximité des mans qui nous écoutent pour pouvoir partager un sourire, un regard, quelques paroles. Si t’as des questions à poser, ou même nous si on veut te demander si t’a kiffé la sono. On va toujours demander aux massives s’ils ont aimé.

Donc toujours le sound system au même niveau que les massives, on ne se met pas au-dessus, je ne vois pas pourquoi on ferait ça.

Charly : et surtout ce qui est bon, c’est un bro qui va venir te voir et te dire « bon franchement ta sélection nickel, mais par contre fait gaffe au niveau des aigues » ou « fait gaffe avec ton niveau de micro »… et c’est bien parce que ça ne vas pas être de la critique négative, peut être tu n’y as pas pensé. Je pense que tu as aussi beaucoup d’émotions qui se mêlent à ça. T’as le fait de dire ‘moi j’ai écouté ça, ça m’a fait tripper, est ce que vous ça vas vous faire tripper’. Et t’as aussi le fait de gérer ton son, et t’aimerait que ça claque au bon volume, sans saturation, et ça c’est une autre technique. Et il faut que tu jongle avec ces deux émotions. Un truc qui va être plus technique et rationnel, et la tune qui est plus émotionnelle.

Antoine : Pour revenir à la question pourquoi ça l’expansion en France, je pense que sur le plan social aussi il y a une baisse de la teuf. Donc je pense qu’il  a beaucoup de teuffeurs qui se rapprochent de la culture sound system. Le fait qu’il y ait un gros volume sonore, sans l’illégalité.

Manu : ils récupèrent ce qu’ils aiment et ils laissent derrière eux ce qu’ils n’aimaient pas en teuf. Je pense. J’ai fait de la free party pendant quelques années, de 16 à 19 ans, entre les caraïbes et l’océan indien. Et quand je suis rentré en France, j’ai voulu en faire une aussi, et je me suis rendu compte que c’était pas du tout le même délire. Et j’aimais en parelle le reggae, et du coup je suis allé en sound system et je me suis dit que c’était la même chose, sauf que…  c’était plus serein, il y a plus de love, c’est moins glauque.

Charly : une question qui m’a déjà était pose par une personne qui ne connaissait pas forcément la scène, et ça c’est très fort dans l’esprit français, c’était « comment est-ce qu’il faut danser dans une de tes soirées ? »… Tu danse comme  tu veux. C’est ça le truc, on met tout à plat, on est tous pareil, il n’y a pas de honte.

Antoine : voilà tu ne regardes pas l’autre, tu es la pour toi au final.

Charly : et même si tu croise l’autre, tu vas croiser un regard, un sourire. C’est ce qui se passe très souvent. Et c’est là que je disais qu’il y avait vraiment une différence entre une session d’une soirée et une session de festival. Parce que le lendemain matin tu vas peut être recroiser la personne à qui tu as souri dans la soirée, et tu peux aller discuter… En plus tu n’as pas à te prendre la tête quand tu dois reprendre la voiture ou quoi. Alors qu’en festival tu n’as pas cette pression, et tu vois cette ambiance.

Antoine : et puis il y a tout ce côté aussi, avec le message de partage, d’unité, de respect, qui se perd peut être un peu dans les valeurs d’aujourd’hui. Il y a de plus en plus d’individualisme dans la vie de tous les jours, tous les débats politique, les infos, tout ça. Ce n’est pas terrible.

Bin justement, est ce que vous pensez qu’il y a toujours un aspect politique dans la scène sound system d’aujourd’hui ?

Charly : je pense que si. Bon après je vais être le fervent défenseur du bio. On a une tune que j’aime bien passer, c’est ‘chemical food’ – et pour moi c’est ça, le carburant que tu ingère c’est ton carburant à toi, essaye de manger un truc un minimum sain. Je pense que ça fait partie de l’éducation, de faire passer un message

Antoine : Ouai, il y a toujours un message à faire passer. Après de la politique pure, on évite quand même.

Manu : Après je pense que les massives ils entendent des trucs toute la semaine par les différents médias, les journaux, la télé. On leur bourre le crane de merdes, de nouvelles lois, de nouvelles taxes, des trucs qui vont te faire encore plus chier dans la vie de tous les jours. Mais tu vas a un sound system le samedi soir, t’oublies tout. Parce que humainement on est tous au même niveau, et on vient tous ici pour s’amuser, pour oublier notre semaine de boulot, on prend du plaisir tous ensemble. Et le dimanche matin, quand on se réveille on dira « bon bin j’ai pris un maximum de vibes dans les dents, dans la tête, dans le cœur, et je suis reparti, j’ai rechargé les batteries ».

Charly : Après, je ne veux pas partir dans le truc mystique, mais logiquement quand t’es dans un sound system, t’es là à dire « je vous propose ça – que vous allez peut être connaitre », ou « je vous propose ça c’est une surprise, que vous allez peut être apprécier ou pas ». Et les massives, ils se disent « je reçois, c’est énorme le sound system ». Mais il faut savoir que nous on re-reçoit cent fois, mille fois plus. Il y a des vibes qui passent, et nous on se recharge presque encore plus. Eux ils ont l’impression d’avoir le son fort et de recevoir beaucoup ; mais nous on reçoit aussi énormément, et c’est un échange comme ça – que ça soit dans le regard… dans la vibes quoi

Manu : et elle est tellement bonne qu’on ne va pas la quitter avant un bon moment

 

Un grand merci à Bass Explorer pour l’organisation, et à tout les sounds systems présents pour cette première édition du festival South Bass Attack.

Lion King Dub sur Facebook
Cultural Bass Radio Show – tous les mardi 9-11pm sur Radio Fly Foot Selecta

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Chronique: South Bass Attack Festival

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Organisé par l’équipe du Bass Explorer Sound System et l’association Musique 4 All, il faut dire que la programmation était alléchante : 7 sounds systems pour 48 heure de musique non-stop. Le principe est simple : une arène composée de 6 sounds qui jouent de 10h du matin, pour le reste de la journée, et jusqu’à 4h du matin; puis une sono qui prend la relève pendant les 6h restantes– pour du reggae et des bonnes vibes en continue.

A peine arrivé, on croise les têtes connus des activistes reggae du sud et autres aficionados, et la session commence donc dans une ambiance bien familiale. De plus, Il n’a pas fallu longtemps pour se rendre compte de la qualité du site. Situé entre Saint-Marcel-Les-Sauzet et Montélimar, la féria a rempli tout les critères. L’arène trônant au milieu, avec l’espace chill-out aux airs de Zion Garden et les stands buvettes et barbecue de chaque côté – un aspect idyllique, le tout entouré d’arbres, d’ombre, et de verdure.

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(Site du South Bass Attack – photo: After All)

Le premier soir, chaque sound jouant 30 minutes chacun, les sélections ont vite pris du niveau. Les Jumping Lion ont tout de suite montré leurs talents de collectionneurs,  tandis que les Lion King Dub ont ouvert leur caisse de dubplates pour notre plus grand plaisir. After All, accompagné de la talentueuse MC Pitch-up, a délivré une sélection digital à souhait; et Roots Powa et les cuivres de Fayalite Horns ont partagés leurs message conscient à coup de roots puissant.  Les Welders HiFi ainsi que Bass Explorer nous ont aussi fait découvrir leurs productions faites maison, et le Dub Fi Dub final a probablement été ressenti jusqu’à Montélimar

Pour le reste de la soirée, l’équipe du Natural Warrior a pris le relais dans une ambiance festive, l’occasion pour ceux qui en voulaient encore de skanker jusqu’au petit matin.

Le seul bémol du week-end fut la pluie, qui vint se joindre à la fête durant la journée de dimanche. Mais elle n’a pas fait peur aux massives qui sont restés – quoiqu’un peu moins nombreux mais tout aussi motivés– pour cette deuxième partie.

En somme, ce festival a été une belle réussite. De plus, après quelques années où la scène sound system aura été marquée par des festivals toujours de plus en plus grands (tels que le UNOD, Dub Camp, Outlook, Rototom…), il fait grand plaisir de retrouver un festival comme le South Bass Attack où la convivialité est le mot d’ordre. Malgré le fait qu’il n’y ait pas eu de « grand » noms, les invités représentaient tous la nouvelle génération de sound systems, nés aux alentours des années 2010; et qui sont très souvent ignorés dans les festivals de l’envergure du Dub Camp, du Rototom ou de l’UNOD.

Ces festivals souvent ne permettent pas l’interaction et l’échange qui a lieu dans des événements plus petit – et qui au final sont au centre de l’idéal du sound system : que tout le monde soit au même niveau, écoute la même musique, et partage les mêmes vibes. Il n’est pas possible au Rototom ou au Garance par exemple de se pencher vers la control tower et demander le titre de la chanson qui vient de passer, ou même ne serait-ce que féliciter ou serrer la main aux selectas.

Le grands festival permettent de faire venir des légendes,  mais les plus petits permettent un retour à l’esprit moderne du sound system et du reggae : où le clash a été abandonné en faveur de l’échange et la coopération.

Enfin bon, tout cela pour dire qu’on attend très impatiemment une deuxième édition !

Breezak Interview

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[photo: Bartosz Madejski]

“Je veux dire Mungo’s ils ont quand même commencé par vrais speakers qu’ils ont trouvés dans des poubelles quoi. Mais à l’époque, le sounds system des ghettos ou de la rue, il va commencer par littéralement une armoire. C’est leur bois, et ils vont clouer des planches dessus et ils vont mettre des speakers dedans.”


Longue interview avec Jérome (aka Breezak), l’homme derrière Bass Alliance Sound System et le sound system de Mungo’s Hifi. Discussion un peu plus technique, une sorte de B-A BA du fonctionnement d’un sound-system, le rôle de l’ingénieur, le choix des caissons et des réglages…

Alors, pour les débutants, est ce que c’est possible de résumer plus ou moins comment ça marche un sound system.

Je crois qu’on peut même commencer avant ça: pourquoi les gens amènent leur système [rires]

Allons-y alors :

La principale raison c’est que souvent tu n’as pas de sound system dans la salle. Donc quand tu veux faire une soirée, souvent n’y a pas de sound system dedans, ou alors si y’a un système, il ne sonne pas comme tu veux. C’est ça la raison principale pour laquelle tu amènes ton propre sound system.

Pour que tu puisses avoir le son que toi tu veux ?

Ouai voilà. Après, chaque groupe different, tout le monde à sa sono. Il y en a qui achètent des sonos toute faites, donc ils ont un son qui est parfait, qui est clair, de la marque qu’ils ont acheté.
Ou alors tu peux aller vers le home made sound system, donc comme nous, comme Iration… le sound system classique à la jamaïcaine. Donc souvent en partie fait maison, en partie des trucs qui sortent de chaines, des trucs de marque.

Traditionnellement [le sound system] ça va être les pré-amp avec la platine et les effets, l’ampli, et les speakers.

La caractéristique du sound system reggae ça va être une grosse basse déjà. Traditionnellement les caissons sont monté de manière en fonction de leur son : basse, medium et des aigus. Ça c’est la version traditionnelle 3 voies, donc ton pre-amp il coupe le son en trois. Et après avec la technologie maintenant tu peux faire ce que tu veux. Tu peux faire stéréo ou quoique ce soit.

Tu peux expliquer rapidement ce que c’est stéréo?

Traditionnellement le sound system reggae va être mono. Donc même si t’as deux stacks, les 2 stacks ne vont pas avoir une partie du son qui sort a gauche et l’autre a droite, ça va être tout en mono. Et même nous, on fait 2 stacks, même si on a la possibilité de faire en stéréo, on fait tout en mono.
Avec le nouveau matériel qu’on a, si je voulais je pourrais avoir 8 voies. Maintenant tu peux faire à peu près tout ce que tu veux. Avec l’arrivée du digital, et que c’est un peu moins cher, t’as plein de sound systems qui commencent avec un cross-over digital.

Donc dans les sound systems reggae de nos jours il y a deux écoles on va dire. Il y a ceux qui ont le pré-amp, et qui souvent maintenant sont à 4 voies. Donc même OBF maintenant ils sont à 4 voies je crois, mais ils ont un cross-over derrière qui coupe en 5.
Ou alors, nous ce qu’on fait c’est qu’on n’utilise pas de pre-amp, on a le mixer du DJ, et le selecta va faire les effets dessus.

On utilise que ce qui s’appelle un digital crossover, et la dedans tu rentres ton signal, et après ça ressors pour chaque caisson… Donc nous on est en 5 voies:  on a le sub ou le low bass qui va de 85 Hz jusqu’à 30Hz à peu près. Après t’as le upper bass, donc le kick, c’est entre 85 et 140Hz. C’est une bande qui est vraiment fine, et c’est juste le kick drum en fait. Si t’avait une batterie sur scène c’est là-dessus que ça tape.

Et après, pour avoir un peu plus de clarté, qui n’est pas vraiment old-school reggae,  c’est qu’on va avoir médium, haut-médium, et vraiment les aigus et tweeters en haut.

Donc en gros chaque voie correspond à chaque caisson?

Après, les voies elles correspondent mécaniquement à quelle boite tu vas avoir derrière. Donc ton signal il rentre de 20Hz à 20 kHz. Donc que si tu utilises un digital crossover ou que tu utilises un pre-amp, ce que tu coupes c’est pour avoir la fréquence optimale que le speaker va pouvoir reproduire.
Donc un scoop par exemple, tu pourrais  lui mettre un signal full-range dedans – donc tout ensemble – sauf que ça va sonner tous pourris dans les aigus. Mais il arrive un peu à reproduire le son.
Mais pour arriver à avoir un maximum de puissance et de clarté, le scoop, suivant les designs – le superscooper on pourrait mélanger, on pourrait avoir bass et upper-bass dessus, mais tu perds dans la clarté du son. Donc on leur met juste de 30Hz à 85Hz, et c’est là que le speaker dans la boite est optimal, en fait. Tu as le meilleur son à cette bande de fréquence.

Et suivant les speakers que tu utilises – donc nous  on utilise un setup qui est super standard de nos jours: 18 pouces sur la basse.

Des PD 18?

Ouai Precision Device PD 1850. Donc des speakers de 18 pouces c’est à peu près la base, le sub basse qui fait le mieux. Après pour le kick on utilise des 15 pouces, qui sont plus petits mais ils sont beaucoup plus rapides à reproduire le son.

Et aussi des médium 12 pouces, qui le standard aussi des anciens sound systems reggae.
Après au-dessus, c’est là la différence encore une fois avec la nouvelle technologie et tout. Souvent les anciens sound systems ils seraient passés de 12 à des Piezo ou à une série d’aigus. Nous ce qu’on fait c’est qu’on passe en 6.5 pouces, donc ça c’est les petits speakers avec une membrane. Et après on a un tweeter de 1 pouce, et ça c’est pas un speaker, c’est un compression driver, qui lui fait juste ce qu’il y a au-dessus de 4 KHz. Qui fait vraiment les aigus.  Tu as plusieurs types : l’ancien sound system reggae je dirai qu’il utilise des Piezos – qui est pareil, c’est pas un speaker à membrane, c’est une toute petite plaque qui va vibrer, qui va te donner des aigus super forts.

C’est pour ça que tu partages ton signal en fait, c’est pour utiliser le speaker – un compression driver, même les plus chers ils vont descendre peut être jusqu’à 500Hz, et ça c’est sur des gros trucs cher spécialisé qu’ils font maintenant. Donc c’est pour ça que tu es obligé de partager ton signal en fait, tu ne peux pas avoir un speaker qui fait toutes les fréquences à des volumes forts.

Par exemple, si tu regardes un ghetto blaster, t’as un speaker dedans. Et un ghetto blaster  on va dire qu’il va reproduire de 50Hz à 15KHz à peu près. Donc tu vas croire que ça fait toutes les fréquences mais ça marche qu’à un volume faible. Dès que tu veux un plus gros volume, il faut séparer par bande. Et plus tes bandes sont fines, tu prends un speaker et une boite qui est faite pour cette bande là, et tu peux vraiment avoir le meilleur son. Tu combines, tu fais ta rangée de basses, tes kicks, tes mediums, tes aigus… Et après ce qu’il faut faire avec tout ça c’est être sûr que ça marche ensemble.

Alors après c’est peut être un autre niveau.
Un sound system reggae va avoir beaucoup plus de couleurs, et un son plus – sans  que ça paraisse négatif, mais « muddy » on va dire. C’est plus chaud, c’est plus mélangé… C’est pas aussi net en fait. Pour l’oreille humaine, si c’est trop net, ça ne parait pas bien.

C’est pour ça que même avec les nouvelles technologies, tu peux avoir un son très, très net, ce qui sur le papier est de la bonne qualité, mais les gens vont pas aimer parce que le corps humain n’est pas habitué à ce que ça soit net. C’est trop clinique si c’est tout net.

Et donc quand tu as un pré-amp, en fait toutes tes fréquences vont dans les speakers en passant par les amplis. Le signal il est faible, il passe par les amplis, il est amplifié, il va dans les speakers. Mais avec l’acoustique, quand tu as un sound system, il y a un autre truc qu’il faut prendre en compte: c’est l’alignement. En fait le son quand il est créé par un speaker, il va sortir avec une certaine « longueur d’onde ».

Donc si tu as un scoop par exemple – alors là c’est encore plus complique le scoop [rires]

Le scoop, jusqu’à 85Hz – c’est pour ça que j’utilise 85Hz sur le PD – le son sort par l’arrière du speaker, passe par le ‘horn’ – les notre je crois qu’ils font 2m20. Donc en fait la horn va amplifier ton signal, va le rendre beaucoup plus fort, va permettre de diffuser le signal dans la salle beaucoup mieux. Mais ce qui ce passe c’est que quand le son sort de l’ampli, et qu’il va aller dans la salle, il est décalé par cette distance du speaker en lui-même, la distance du horn.
Donc quand tu es devant le speaker, le son il arrive – tu fais a la vitesse du son, c’est comme ça que tu mesures – donc si tu as 2 m de décalage, il va y avoir un délai avec un speaker 12 pouces qui lui fait face et qui sort directement.

Donc les basses auront le son un peu décalé :

Voilà, c’est un peu décalé. Ce qui peut donner un effet sympa si tout est bien fait, ou alors ça peut s’annuler, tu peux avoir des sons qui s’annulent. Après suivant les gens, c’est « a matter of taste ».

C’est pour ça souvent dans les free quand ils assemblent plein de caissons ensemble  ça s’annule?

Mettre plein de caissons de basse ensemble ça va pas forcément être plus fort si c’est pas les mêmes designs, ils peuvent carrément s’annuler.
Tu peux monter tes amplis et le son il descend. Je l’ai déjà fait par expérience ici, tu inverse les polarités, et en fait tu  llumes un scoop ça devient fort, t’en allume deux ça devient fort, t’en met un troisième ça réduit, et tu mets le 3 et le 4 en inverse, bin en fait tu réduis tout. Tu l’entends toujours parce que c’est dans la salle, mais en fait le son descend.

Donc ça c’est une autre chose qui est devenue possible avec les digital crossover, c’est que vu que tout passe en digital, tu peux aligner les sorties – le mien que j’ai ici, je rentre carrément la distance que j’ai à l’intérieur du speaker : donc je lui dit que mes scoops ils font 2m20, mes kicks ils font 80cm, et il aligne tout pour moi, pour que quand tu es devant dans la salle toute la wavelength de tous les speakers arrive en même temps à l’auditeur.

Donc tu n’as pas à tout régler manuellement

Je rentre les infos manuellement pour chaque speaker, mais je lui dis tel est la distance, ou alors met moi 10 millisecondes de délai et il le fait pour moi. Mais ça c’est une option qu’il n’y a pas sur les anciens pré-amp, et ce qui donne un effet qui est… tu pourrais dire que c’est bien, tu pourrais dire que c’est pas bien, ça dépend de ce que tu aimes.

Donc tu as tes coupures de fréquences, crossover, alignement, et il y a aussi ‘equalization’.
Une boite en elle-même, ou une combinaison de boites en fait, elles ne vont pas être tous au même volume, elles vont pas toutes avoir des bandes pareilles. Quand tu mets ‘l’équalizer’ dessus, tu peux équilibrer comme tu veux. Et la pareil, la différence entre digital crossover et pré-amp: de nos jours les grosses compagnies de touring qui font des sound systems dans les salles de concert, ils vont équilibrer un sound system qui fait de 40Hz à 20KHz, ils vont l’aligner exactement parfait – donc au niveau de l’alignement des speakers – et ce qu’ils vont faire aussi c’est mettre du ‘white noise’ – qui met toutes les fréquences au même volume. C’est pour ça que ça sonne assez… affreux.

Ce qu’ils font avec ça c’est équilibrer le systeme. La basse elle sera à la même intensité que les aigus, et c’est là qu’au niveau du reggae y’a le plus de reglages à faire, c’est vraiment en fonction de ton opinion et quelle musique tu joues, mais un sound system reggae n’est pas ce qu’ils appellent “flat”, plat.
Il va être beaucoup poussé sur la basse et sur les aigus. En général basse et aigus sont vachement remontés, A l’origine, dans roots il y a quasiment pas de kick .C’est pour ça que c’était les 3 voies à l’origine. En fait, au lieu de mettre un equalizer, ils avaient juste 3 boites, ça fait que les fréquences qu’ils n’avaient pas besoin, elles n’étaient même pas reproduites.

Donc plus la technologie s’ameliore, le système qu’on a je pourrais le faire complètement “flat”. Mais ça sonnerait pas reggae, ça sonnerait salle de concert, un son clair, net. Donc après tu rajoute un equalizer dessus, suivant quel ampli tu mets sur la basse ou sur le aigus. Différent amplis auront un différend timbre aussi. J’ai essayé plusieurs amplis de basse, on est plusieurs dans la scène reggae à utiliser les mêmes: les Void Infities 8, parce qu’ils ont un son qui est pas clean. Il y a un son en plus de la puissance, il donne une couleur au son.

Donc ça c’est pour tout ce qui est tweeking.
Après ce qui se passe là-dedans: Que tu utilises un crossover ou pré-amp, ça sépare ton signal, ça va à tous les amplis – là c’est pareil, tu peux choisir ce que tu veux comme marque pour avoir ton son – et après aux boites. Ça c’est la base.

Après, pour la source ça va être vinyle, avec une platine, 2 platines, un mixer ou pas. Après si tu as un MC et micro, tout ce qui va rajouter du caractère c’est quel effet tu vas mettre dessus, boite à effet, boite à sample, tout ce qui se rajoute par-dessus.

Ça c’est la théorie simple (rires)

Après, depuis le début ce que j’explique c’est dans les box. Les caissons, c’est là qu’il y a une autre partie de la magique de l’acoustique qui se passe.

Bin voilà, c’était la prochaine question: comment tu décides quel scoop, quel genre de caisson est mieux pour toi.

Voilà. Bin c’est là que ça devient très très compliqué. C’est de la physique, c’est de l’acoustique pure et dure. Un speaker il déplace de l’air. Et tu peux avoir un gros speaker – le plus gros que j’ai vu c’était 26 pouces – un gros speaker comme ça doit bouger beaucoup d’air.

Mais en fait non. C’est la combinaison du speaker en lui-même et de la boite. Parce que dans une grosse salle, tu peux mettre autant de PD18 qu’on utilise, par exemple, tu peux en mettre autant que veux, s’ils sont juste posés comme ça au châssis, qu’il n’y a pas la boite derrière, bin il y a rien qui va concentrer l’effet.

Le plus dur pour les gens qui design les box, et qui les fabriquent,  c’est ce qui se passe à l’intérieur de la boite, et le plus important c’est la combinaison du bon speaker et de la bonne boite. Parce qu’une très bonne boite avec un mauvais speaker dedans – et quand je dis mauvais ça veut pas dire faible – tu peux mettre un speaker de 2KW dans une boite et un autre de 500W, celui de 500W peut sonner mieux s’il est optimal pour la boite.
Et là il y a des calculs, c’est toute une histoire de volume et de “path”, le chemin que les ondes vont prendre.

C’est pour ça qu’ils essayent de rallonger l’espace derrière le speaker?

Bin la basse a une wavelength qui est super longue, donc il vaut mieux des boites avec des grosses horns. Tandis que les aigus c’est super court comme wavelength, donc ça peut sortir plus ou moins direct. Mais il faut quand même mettre un “guide” dessus, en plastique, et ça va te contrôler la dispersion.
Pour la basse, la dispersion…  ça sort de partout. Les aigus par contre sont vachement directionnels, donc tu as toujours un guide dessus.

Donc c’est là que la plus grosse partie du son, pour moi, c’est de là qu’elle vient. Et t’as plein de design de scoops différents, et si t’enlèves 5cm dans la chambre derrière le speaker, ça va totalement changer le son en sortie.

C’est pour ça sur tous les forums, t’as toujours un mec qui demande “j’ai acheté ce truc, je pense faire ce genre de caissons”, t’as les autres qui disent “ non ça va rien faire, choisis plutôt ce design…”

Voilà, et plus de Kilowatt veut pas dire un meilleur son. C’est vraiment la façon dont c’est mis ensemble. Et après bien sûr c’est “matter of taste”. Il y a des gens qui vont préférer un son comme ça, alors que d’autre non.

Surtout dans le reggae, l’importance de la basse c’est que les gens le sentent au lieux de l’entendre. Donc le design va beaucoup changer là-dessus. Un scoop par exemple est diffèrent d’une boite reflex. Donc reflex ton speaker est monté ‘plat’ devant, t’a une boite derrière qui crée le volume pour que l’air soit compressé derrière, et ça ressort directement par devant.
Comparé à un scoop ou ça passe par une horn et ça va ressortir après 2 mètres, et ça, ça va beaucoup plus créer de vibrations au sol, de vibrations dans les murs. Donc ce qui est bien pour le sentir sur le dancefloor, ce qui peut être un problème par exemple au Berkeley où avant ils avaient des boites reflex, il avait un bon son à l’intérieur on a jamais eu de problèmes – maintenant il y a des scoops, des Hogs, et le problème avec ça c’est que ça vibre beaucoup plus dans tout le bâtiment. Donc c’est pas forcement beaucoup plus fort à l’intérieur, mais la vibration créée par la boite est énorme, et les voisins maintenant ils se plaignent. Donc voilà, ça dépend de ce que tu veux faire.

Tout est dépendant de l’endroit où tu vas être. Apres il y a une grosse différence entre avoir une sono avec un bon son que tu aimes bien, et faire une sono pour une installation – où la tu fais attention à ce que ça soit bien à l’intérieur et que ça fasse pas chier les voisins.

Et du coup, le truc qui fait la différence entre votre sono et celle disons d’OBF ou Iration, c’est l’assemblage justement des différents composants.

Sur le principe elles sont toutes pareils, le principe est le même. C’est un « crossover, ampli, speaker ». Par contre la combinaison va être différente. Donc  moi j’utilise un digital crossover avec mes settings dedans, eux ils utilisent un pré-amp qui va avoir ses secrets. C’est le secret du pré-amp, tu ne sais pas vraiment ce qu’il y a dedans. Chaque pré-amp va être diffèrent suivant qui c’est qui les a faits, comment ils ont été prévus.

Les amplis ils vont donner une coloration au signal aussi, donc on utilise des amplis différents. Et les boites en sortie, chaque design change – je ne sais pas ce que eux ils utilisent exactement, mais je crois que c’est 18, 15, 12 et des tweeters en hauts, mais c’est pas du tout les mêmes boites que nous. Donc ça va sonner vraiment différent.

Donc c’est vraiment en fonction de ce que tu joues, de ce qui sonne mieux pour toi.

Ce qui est mieux pour toi, et aussi ce qui est à l’origine des sound systems reggae, en fonction de ce que tu trouves. Ce que tu peux t’acheter. Souvent, il y a beaucoup de choses que j’aimerais changer dans le son et que je ne change pas, c’est principalement une histoire de frais. Histoire de frais, d’habitudes, de raisons personnelles aussi – il y a des gens qui aiment bien utiliser ça, d’autres qui aiment bien utiliser d’autres… C’est très personnel.
Tout le monde va avoir un assemblage différent et un son différent, c’est ça qui fait aussi le charme du truc.

Mais ça nous est arrivé avec les Dub Smugglers, qui ont un assemblage qui est complètement différent du nôtre – on utilise tous les deux des digital crossovers mais ils n’ont pas le même que nous, ils ont des amplis différent, c’est des amplis complètement digital alors que nous on utilise des anciens encore, des lourds. Et les boites  sont des designs différents, des marques différentes pour les aigus et les médiums… Mais la façon dont ils l’ont réglé et la façon dont je l’ai réglé, on les a mis dans la même salle, et en fait on a un son super similaire en sortie. Ce qui est assez impressionnant quand tu vois que tout est différent.

Suivant ce que tu joues aussi, la musique que tu vas jouer va te donner les directions de comment tu “set-up” le son. Je sais que nous, même dans une session, entre le warm up et la fin, souvent je vais changer les settings. Si Tom il fait une sélection roots-ska avec des 7”, je vais vachement booster la basse et la tête des aigus, parce que le son à l’origine il est pas pareil.

Ton system suit ce que tu vas jouer en fait. Si tu joues une dernière production digital qui a été masterisé, on va dire bien poussé en studio, et bien sur le sound system le réglage va être plus près du ‘flat réponse’, du set up à zéro. Parce que la production en elle-même est déjà poussée pour avoir ce son-là.  Et ça se voit quand tu regardes les amplis, t’a toutes les indications d’une tracks à l’autre : tu vas avoir des changements énormes.

Il y a plusieurs sounds qui ont dit que quand tu produis une tune pour être joué sur ton system, et après tu la joue sur la sono de quelqu’un d’autre, ça change complètement.

Tom essaye ses morceaux dès qu’il peut sur le sound system. Et c’est vrai que les tracks qu’il joue sont masterisés principalement pour jouer dehors. Quand il va faire un master pour le mettre sur vinyle ou CD ça va pas être le même.
Et ça c’est l’avantage d’avoir 2 producteurs ici qui font la musique, c’est qu’ils font de la musique pour le sound aussi, ils savent comment ça va s’entendre quoi.
Dubsy et Chikuma ils venaient souvent faire les set-up avec moi pour tester leurs nouvelles tracks. Et des fois ça pouvait sonner bien en studio, mais ça sonnait dégeulasse sur la sono, il manquait quelque chose sur le sound system. Tu peux produire juste pour le sound system aussi.

C’est tout personnel, comment tu as envie, quand tu l’écoute fort en soirée, comment tu as envie que ça sonne. Ce que je fais souvent quand on a des gens qui jouent sur notre sound system, en soirée ou en festival – souvent c’est pas  que nous qui jouons dessus – c’est de jouer un peu avec le sound system. Soit voir avec eux, des fois il y a qui viennent me demander “fais que ça sonne comme ça” ou quoi, ou sinon s’ils nous disent rien on le fait pour que ça sonne comme nous on le veuille.

Donc c’est vraiment en fonction de qui joue, de comment la session se déroule.

En fonction de la salle aussi, en fonction de l’ambiance…

Tiens  voilà, par rapport à la salle. Par exemple à la Art School tu as mis la sono d’une certaine manière. Est-ce que c’est toujours comme ça, ou ça change en fonction d’où tu es?

Ça ça revient à la physique de l’acoustique, c’est qu’il y a une partie qui se passe dans la boite, et il y à l’autre partie dès que ça sort de la boite. Quand tu es dehors, on va dire qu’il y a moins de problèmes, parce que ça part dehors ça s’écarte. Donc c’est plus dur dehors d’avoir un son super intense. C’est là que souvent dehors on rajoute des stacks pour avoir plus de couverture.

En intérieur il y a deux choses. Avec le sound system reggae traditionnel, tu vas écouter ce que tu joue directement à partir des speakers. Ça c’est la différence du reggae par rapport à quand  tu vas a un concert, c’est que normalement les artistes sont sur scène, le sound system est devant eux, et sur scène tu fais confiance qu’à ton monitoring. Mais avec le sound system, tout le monde a au moins un stack tourné vers eux pour entendre comment ça se passe dans la salle.

Et après tu positionne les autres stacks pour couvrir au mieux la salle. Mais ce qu’il se passe dans une salle c’est qu’il y a du “bounce back”, des échos contre les murs… Donc si tu mets tes stacks à une mauvaise position ils vont s’annuler aussi, ou alors ça va créer des “dead spots”: quand tu traverses la salle, il a des endroits où la basse va être super intense, où elle s’additionne; et d’autres endroit où t’as des gros trous, t’as rien quoi. T’entends juste les aigus, parce qu’ils sont directionnels, mais la basse s’annule.

Donc il y a pleins de théories aussi, qui sont plus ou moins personnelles. La façon dont les salles de concerts le font: d’avoir la sono de chaque cote de la scène plus ou moins plat, c’est ce qui te donne le moins d’interférences, t’as le plus de chances de couvrir la salle bien.

Apres si tu veux t’entendre, tu mets un stack de côté, et il faut en avoir un autre qui est pas directement en face… je dirais 90 degrés ça marche à peu près. Mais souvent on en met un à coté de nous, un autre en face, on va allumer, marcher dans la salle et le pousser légèrement pour avoir le moins de dead spots possibles, pour avoir le plus de couverture.  Et ce que tu essayes de faire c’est de couvrir toute la salle, que les gens entendent à peu près au même niveau partout, et d’avoir au maximum de couverture de basse.

Et vous ne les mettez jamais en face de vous?

Ça dépend combien de stacks tu mets, si la salle est grande ou pas. Si c’est une petite salle souvent ce que j’aime bien c’est d’en faire un – comme ça t’as pas d’interférences, t’en met juste un dans le coin, et ce qui est bien avec le coin c’est qu’il amplifie ce qui ce passe dans ta boite, il va envoyer de la basse dans toute la salle. Donc quand tu mets un stack dans un coin, généralement t’as un meilleur résultat de basse. T’as une basse qui est plus forte dans toute la salle.
Le plus simple c’est un seul stack.

En extérieur, si c’est pas une trop grosse foule, un seul stack c’est le plus simple, t’as pas d’interférences, t’as une bonne couverture, et c’est simple à gérer.
Après si tu veux couvrir une grosse scène, tu multiplie, un, deux, trois… et quand tu regardes, ils sont toujours à des angles, t’essayes d’éviter les face à face. Si t’a un face à face mais qu’ils sont loin l’un de l’autre, tu ne vas pas arriver à la zone d’interférence au milieu. Mais tu ne peux pas faire face à face trop près.

Nous on n’est pas trop fan du stack en face, par rapport peut être aux sons plus roots, parce que les sons roots ce qu’ils aiment bien c’est que t’en ai un sur le côté qu’ils entendent, un au fond qui leur revient vers eux.

Ce qu’il se passe avec ça, c’est que quand t’es à la position de sélecta, de DJ, tu vas avoir un son qui a plus de délai. Donc si tu sélectionne à la Shaka, ou Channel One, ou Aba Shanti, ils ne mixent pas les tunes. Mais si tu mixe, tu ne veux pas avoir de délai. Je pense que c’est ça la différence, pourquoi nous on en met pas souvent en face, c’est que ça devient un problème quand tu mixe et que tu veux caler deux vinyles en temps, le troisième stack en face il t’emmerde un peu [rires]

Oui c’est vrai que c’est logique. Les potes en France ils jouent tous avec leur sono en face mais ils utilisent qu’une platine

Ouai, si t’as une platine, c’est bien de l’avoir en face t’entends très bien le son. Et tu t’en fous, quand t’arrête t’as pas ce petit délai de quelques millisecondes, c’est pas grave.

Donc souvent quand ils mixent, ils ont des moniteurs en plus au niveau des platines. Quand tu les allumes t’entend pas le son du sound system, t’es dans ta petite bulle et la t’as un son qui est aligné avec ce qui sort du mixer. Parce que le son du DJ qui va à un troisième stack, quand il te revient à toi, le temps qu’il passe par tous les amplis, 30m de câbles et à travers une salle, t’as un délai. Donc si tu essayes de mixer, tu peux pas.

Donc ça c’est pareil suivant si ça va être des DJ qui mixent, ou si c’est des gens qui font de la sélection pure et dure, c’est ça qui va changer comment tu mets tes speakers.
Mais en général c’est avoir la meilleure couverture, et le meilleur son possible partout.

Après, le côté home made – ça change quoi et ça apporte quoi?

c’est l’identité du sound system. Quand tu regardes les vieilles boites, il en a une qui est venue sur ebay récemment, elle est peinte à la main, tu vois que ça a été fait…  Je veux dire Mungo’s ils ont quand même commencé par des speakers qu’ils ont trouvés dans des poubelles quoi. Mais à l’époque, le sound system des ghettos ou de la rue, il va commencer par littéralement une armoire. C’est leur bois, et ils vont clouer des planches dessus et ils vont mettre des speakers dedans. Donc l’aspect home-made, tu as cet aspect que tu l’as fait toi-même, c’est ton sound system, et quand tu vas le sortir en soirée les gens le reconnaissent. Ca a à voir avec l’identité, et aussi ce qui est bien avec home-made c’est que tu peux faire le son que tu veux.

De nos jours, tu peux acheter des speakers d’usine, qui sont fabriqués. Les superscoopers qu’on a c’est un design – c’est pas le nôtre – mais après on les a fait nous-même donc on peut faire la finition qu’on veut dessus, les grilles qu’on veut.
Et après t’es pas dépendant. Si t’achètes une marque, tu vas avoir le son de cette marque là, sur la basse et sur les aigus. L’aspect home-made, même si tu achètes d’une marque, c’est que tu peux combiner. Nous nos têtes, enfin,  nos mediums et aigus c’est des Voids, et même si c’est une boite que j’ai acheté à Void, j’ai changé les speakers . Ils seront sans doute pas d’accord, mais j’ai mis d’autres speakers dedans que je trouve sonnent mieux.

Donc tu peux improviser, tu n’es pas restreint :

Ouai l’aspect home-made c’est surtout ça, c’est de ne pas être restreint au son d’une marque, de faire ce que tu veux, et de faire l’aspect que tu veux : donc couleur, peinture…

C’était Albah des Welders qui a fait la remarque que tu peux deviner si un sound system joue roots, ou steppas ou quoi en fonction de son apparence.

Ouai par le look. C’est ce que je disais par rapport à l’ancien système 3 voies. Si quelqu’un a beaucoup de Piezos, qui a une range de médiums et des scoops, tu vas te dire ils vont faire plus du roots ou du dub. S’ils ont gaugés pleins de subs et plein de tops, tu vas te dire ils sont plus steppas.
Nous je pense que ce qui est bien avec notre son et et pourquoi ils nous reservent souvent sur des festivals, c’est qu’il est polyvalent. On va pouvoir jouer du roots dessus, je mets mon roots setting dedans. On peut jouer du steppas, on peut jouer du dubstep… Drum and bass, j’ai fait pas mal de soirées drum & bass,  je me suis aperçu que les gens qui jouent de l’ancienne drum and bass ça passent pas bien sur notre system. Donc tu ‘tweek’, et ça sonne mieux.

Mais l’aspect visuel il est important – ouai l’identité du sound system. Si tu le mets à un endroit, dans une salle, s’il y a un Sound clash, on le voit.
Si tu regardes King Earthquake. King Earthquake il a un très beau finish, c’est peint.

Ouai et puis tu vois directement que lui c’est du gros steppa.

Ouai même le look des boites, c’est carré, il y a des grosses grilles, c’est peint en camouflage. Tu vois une photo même d’une seule boite du sound, même pas tout le sound system, tu sais que c’est une boite King Earthquake.

Et puis à cote de ça tu regardes Channel One, c’est tout en bois, les grilles sont rondes – ça donne plus roots

Et un peu de mélange de plusieurs boites différentes, tu vois que c’est pas toutes du même design, de la même année. Nous on a essayés, les boites au début elles étaient violettes. Donc on les a poncés, pour que ça aille avec le reste. Donc là du coup les gens reconnaissent que c’est Void, mais ils savent c’est des Void Mungo’s [rires].
Même quand  tu regardes sur le forum “speakerplan”, il y a des gens qui s’étonnent des combinaisons de speakers qu’on utilise, et j’ai vu des commentaires “mungo’s do it and it sound good” [rires]. Et il y a des gens qui disent non tu ne peux pas faire ça. Mais c’est la façon dont on les coupés et tout.

Quand tu regardes les boites OBF, elles ont leurs ‘stencils’ dessus, leurs couleurs à eux… C’est bien en clash cet aspect identité du son. Et puis ça fait partie de notre logo, tu regardes le logo Mungo’s, tu créé une identité avec ça.

Ouai c’est ta marque en fait.

Ouai ça devient ta marque. Quand tu vas dans une salle de concert tu peux reconnaitre DNB avec des boites carrées sur les côtes avec le petit logo, et bien les reggae sound systems ils ont leur look.
Si tu veux un bon exemple, c’est en Allemagne, Dandelion Sound System. Et eux ils ont carrément passé du temps. C’est un boulot d’ébéniste. Et c’est un super boulot.
Il y a des gens, je sais plus où, qui dans leur scoop, la croix dans le scoop en bas – elle est purement structurelle – mais ils ont fait une étoile. Je sais plus où c’est. Mais c’est des petits détails qui font tout. Et puis c’est beau, c’est l’aspect esthétique.

Ouai, ça change du truc d’usine, de chaine où tout se ressemble.

En salle de concert les gens ils viennent pour regarder ce qu’il se passe sur scène. Ils s’en foutent du sound system. Dans les soirées reggae, le sound system il est à part entière. Souvent ça m’est arrivé d’installer le sound system sur la scène, et les DJ sur le cote. Et ce que les gens ils regardent c’est le sound system, ils l’ont devant, ils l’entendent nickel. T’as moins ce point focal sur le DJ ou sur le groupe de musique, ça va être la sono. En France le plus d’ailleurs, les gens regardent pas le DJ, ils sont la tête vers le son.

Ils y en a plusieurs qui ont parlé de ça justement, et comme quoi ça venait de la culture ‘teuf’.

Ouai en teuf, mais parce qu’en teuf ils mettent toujours le DJ derrière le son. Le DJ c’est pas forcément ce que les mecs veulent regarder.  Mais ouai, en session, le son il est près des gens.

Ouai les gens viennent pour le son

D’où l’intérêt de le faire custom, de le faire home-made, d’avoir un look différent.
Et aussi au niveau prix. Au niveau prix tu peux faire un sound system custom pour beaucoup moins d’argent qu’un sound system que tu achèterais. Si tu vas à un magasin et tu leur commande un sound system avec tels spécificités, ça va te revenir beaucoup plus cher que si tu le fais toi-même, que tu achètes ton bois, tu assemble…
il y a toujours cet aspect aussi que les sound reggae ils démarrent pas avec plein d’argent.

Ouai ça se saurait !

Après tu peux aller plus loin dans le home-made – nous on n’a pas les connaissances, il y a personne ici qui fait ça – mais tu peux même aller jusqu’au point de designer tes propres boites, tes propres speakers, de faire tes propres amplis, ton propre pre-amp. Ça c’est le côté plus électronique, où la vraiment tu construis de A à Z. Là c’est le next level home-made, c’est les amplis Jah Tubbys…

Il y a des plans, tu t’inspires de plans ou si vraiment t’es bon en électronique tu peux commencer de zéro – mais bon, c’est dur. Mais tu peux créer vraiment tout toi-même.
Après nous on fait beaucoup de route, on fait pas mal de touring et tout, il y a quelque chose quand tu l’achète de quelqu’un qui a une équipe de design et développement, et qui va être testé, c’est mieux. Parce que si tu le fait toi même, il n’y a pas cette garantie que ça tienne.

Après home made, tu es toujours en train de changer de trucs. Tu peux, un an après l’avoir testé sur les routes et en soirée, dire “ah non en fait, je préférais ça avant”, ou “tiens il y a ce produit-là qui est sorti”. Tu le test, ça évolue. L’aspect home-made c’est que tu peux évoluer pièce par pièce, t’es pas obligé de tout changer – et ça c’est ce que tu ne peux pas faire avec un sound system tout fait, d’usine. C’est soit tu dois tout changer, ou tu gardes. Tandis que si c’est home-made tu peux changer au fur et à mesure, tu ajoutes des trucs…

Après tu me disais comment tu règles ta sono dans les soirées, tu dis que tu le fais au feeling, c’est différent de ce que fait un ingé son en concert ?

Ça va être vraiment au feeling à chaque moment, même à quel setting tu commences. Si c’est une soirée bien longue qui commence avec peu de gens, tu vas commencer tranquille. Si les gens ils arrivent tous d’un coup, même au niveau de l’équilibre; tu peux amener les gens à danser si tu commences bien. Des fois ce que je regrette à des danses c’est que tu ne peux pas commencer avec tout à fond, il faut amener les gens à danser devant le système. C’est comme si tu les attire avec le sound system et une fois qu’ils sont chauds, et bien là tu peux pousser.
Et c’est autant le rôle de l’ingénieur en soirée que le rôle du sélecta aussi.

Le fait de lire la foule ?

Bin les anciens sound systems roots il n’y avait qu’une personne, qui était le sélecta et l’ingénieur – il va pousser son system en même temps qu’il fait sa sélection. Maintenant avec les DJ c’est plus moi qui vais faire l’ingénieur derrière et les DJ qui font la sélection. Et souvent on s’entend, on sait par rapport au flow des soirées – souvent Craig et Tom ils me font des petits signes, et puis je sais quel tune arrive, à quel moment elle va tomber. Si c’est une grosse tune du moment, c’est là que donne tout à ton system.

Donc déjà il faut que tu arrives à lire la foule, et après il faut que tu arrives à bien t’entendre avec l’équipe.

Et petit à petit tu connais bien ton system. Tu arrives à le pousser. Moi je le pousse hors des limites, mais tu ne peux pas faire ça tout le temps, donc il faut juste lui donner un petit coup. C’est même un des risque auquel on revient de plus en plus au fil des années, et c’est peut-être aussi parce que je vais à de plus en plus de sessions. Mais c’est le danger de trop pousser vers la fin, ça deviens trop fort pour les gens.

Ouai c’est vrai je me souviens pour la session à Stéréo au nouvel an, la salle en bas j’avais du mal à rester dedans.

En bas c’est une salle en béton, c’est cubique, tu t’en prends en plein la gueule. Et d’ailleurs ça a été trop poussé, et c’est ma faute j’étais pas aux deux endroits en même temps. Il y a eu deux speakers de mort à Stereo [rires]. Bon ils étaient vieux, ils auraient pu mourir le mois d’avant le mois d’après.
C’est des caissons qui sont pas fait pour un endroit aussi petit que ça, c’était pas notre idéal Stéréo pour ça.
Mais ouai, c’est faire évoluer la soirée avec la sélection, que ça soit au niveau du volume, de l’équilibre, et pas trop pousser. Après il y a toujours plein de gens qui vont te demander de mettre plus fort, parce qu’ils y a des gens qui en veulent toujours plus, mais il y a des gens qui te disent aussi le lendemain « ouai c’était un peu trop fort ».

Donc il faut garder un bon équilibre des deux, que ça soit des sessions fortes ou tu puisses sentir la vibes, mais aussi on fait de plus en plus attention maintenant, c’est qu’il faut faire attention à nos gens [rires]. Et je crois qu’il y a des plus en plus de sound system qui tournent – enfin je sais pas s’il y en a de plus en plus, ou c’est juste que je fais plus attention – mais il y a de plus en plus de sound qui poussent tout le temps. Et personnellement j’aime bien commencer tranquille, aller fort et puis finir quoi. Il y a des gens ils ont le sound system, bam ! Ils vont commencer direct fort. C’est pas parce que c’est une session sound system qu’il faut que ça soit fort du début à la fin.
Le sound system c’est un bon outil mais ça peut être dangereux aussi – faut faire attention quoi.

Souvent la remarque faite aux sound systems c’est qu’ils jouent à des niveaux au-dessus de la limite – disons le niveau ‘acceptable’ définit par les salles.

Souvent les sound systems reggae paraissent super fort mais c’est par rapport à la basse. Souvent il y a des plaintes, c’est par rapport à la basse. Souvent on est en-dessous des seuils limites, mais on va être beaucoup plus fort dans les basses, dans d’autres bandes de fréquences.

Souvent les bandes de fréquences qui font mal aux oreilles aux alentours des 2KHz, souvent je les descends. Les médiums, aigus tout ça, c’est des fréquences que si elles sont trop fortes pendant peu de temps ça peut créer des dommages aux oreilles. Par contre au niveau des basses, avant d’atteindre ces niveaux-là qui font mal – déjà c’est beaucoup plus dur à reproduire. Et même en soit ça va pas t’abimer quoi que ce soit. Donc ça va paraître au-dessus des limite théorique, « health and safety » et tout ça ; mais en fait t’es en dessous parce que les fréquences qui font mal et tout ça elles sont descendus.

Donc ça c’est à nous de régler et tout, et le reggae en générale ce qui est bien c’est que c’est pas une musique qui fait trop mal aux oreilles. Si tu compares un concert rock et une soirée reggae à même volume, t’auras plus mal au concert rock. Et ça, ça vient aussi de la qualité du signal, de la distorsion. Une guitare électrique avec de la distorsion dedans, c’est du signal carré, ça va t’exploser les tympans quoi. Tandis qu’une grosse basse dub, une grosse basse ronde tu vas le sentir donc ça vas paraître vachement fort – mais sans être dans des zones qui ne peuvent faire mal.

Un des bouquins que je lis pour le mémoire c’est une étude de Stone Love sound system en Jamaïque – c’est un PHD donc vachement technique, c’est pointu sur l’acoustique et tout – mais un des trucs qu’il argumentait c’est que les sounds systems vont à l’encontre des idées générale de la ‘modernité’ où le visuel prime sur tout. Dans une soirée reggae c’est le son qui prend le dessus. Alors que même un concert, si tu fermes les yeux tu rate une partie de la performance.

Ouai tu peux fermer les yeux et tu écoutes. En concert il y a le coté performance des gens qui vont bouger, jouer et tout.

Et puis surtout tu vas sentir la musique, pas seulement l’entendre.

Bin c’est le mieux d’avoir des sound systems comme ça, des fois certaines musiques ont des lignes de basse que tu vas sentir, ça te donne un frisson – il y a tellement de vibrations. Je sais pas si ça t’es déjà arrivé, moi ça m’est arrivé des fois de le faire moi-même et de me donner des frissons. Tu le sens quoi. Et  les gens ils adorent, ils viennent pour ça, c’est clair.

Et voilà, après ça reviens à un problème, c’est d’expliquer ça à quelqu’un qui n’a jamais été en session.

Il y a quelque chose – il faut y aller. C’est l’expérience. Là les gens à Leicester où on a joué ce week end, on regardait les commentaires facebook, les gens ils disaient « you could feel the bass ». A chaque fois les commentaires après les sessions c’est sur ce que les gens ont ressentis, que tu n’as pas forcément à d’autres concerts.
Tu as les deux, tu as la musique et tu as cet aspect sensoriel, qui est dur à expliquer. Et aussi c’est ce qui me rend accro.

A.F

After All sound system @ YAPTLM

Reportage video sur After All sound system lors de l’édition 2013 du (très réussi) festival Y’en Aura Pour Tout Le Monde, avec une petite Interview des membres d’After All sound sur leurs débuts ainsi que sur leur collaboration avec le festival.
Featuring: After All crew, Marina P, Riddim Tuffa, Artikal Sound, S’Kaya & more

Realisation: Quentin Spinosa “Spinosa Production”

Interview Lion Roots

lion roots sound system

“quand on écoute certaines tunes qu’on a déjà écouté auparavant à la maison ou sur une chaine hifi, et que là on l’entend en sound avec des gros kilo et une basse énorme, c’est une autre dimension.” 

Au-dessus du bruit des cigales, petite interview avec Stef du Lion Roots Sound System avant sa session avec Aba Shanti au Mas des Escaravatiers. 


Comment est-ce que tu as découvert le reggae et qu’est ce qui t’a motivé à monter ta sono ?

Yes-I, greetings. Alors ce qui poussé à monter ma sono, c’était le fait d’aller à Londres justement et de voir les sound systems en Angleterre. Niveau reggae, j’en écoutais avant mais pas sous cette influence sound system, en fait. C’était plus des groupes traditionnels comme Israel Vibrations.. des fondations quoi. Des groupes qui ont fait que le reggae maintenant ait cette ampleur.
Après le sound system il  est venu très tardivement. Ça fait une quinzaine d’année que j’ai découvert ce mouvement.

Et tu es actif depuis quand ?

Alors dans la région, parce que je suis natif de Cannes, ça fait bientôt 15 ans. J’ai commencé à essayer de faire évoluer les choses ici dans le Sud-Est, parce qu’il y avait rien en fait au niveau culture sound system et reggae purement jamaicain. Il y avait vraiment rien du tout. Mais pourtant il y avait du monde qui allait aux concerts, avec les groupes justement de fondation. Les gros groupes comme c‘est sûr que les gens connaissent donc ils y vont. Mais quand c’est un peu plus pointu, c’est plus difficile de leur faire découvrir les choses.

Justement, tu es le plus ancien sound system dans le sud que je connaisse. Ta sono,elle est faite maison ?

Oui oui, c’est entièrement fait maison.

Et tu penses que ça apporte quoi le fait d’avoir une sono faite maison ?

Bin c’est un peu l’identité du sound, de construire sa sono. Après c’est sûr que maintenant avec les moyens accessibles, internet tout ça, on en discutait tout à l’heure avec Aba Shanti, c’est plus ou moins facile d’acquérir tel ou tel matériel, alors qu’avant, justement il fallait construire tout nous-même. Encore pire avec Aba au début c’était entièrement fait maison. Entièrement, entièrement, de A à Z. Des amplis, aux pré-amps.

En parlant d’identité, qu’est ce qui fait l’identité d’un sound ? 

L’identité elle vient aussi de la qualité du pré-amp, avant tout. C’est le pré-amp qui restitue le son. Il faut aussi les enceinte adéquate pour avoir une bonne restitution, c’est ce qui est le plus important je pense. Après, c’est d’essayer des box, différents modèles. On construits d’autres modèles sur des bases qui ont déjà été faites depuis bien longtemps. Donc pour ça on a de la chance d’avoir internet. Ça aide beaucoup.

Et pour toi, qu’est-ce qu’il y a de spécial avec cette musique qui crée cette ambiance aux sessions. Une session reggae crée une ambiance que tu ne trouves nulle part d’autre.

C’est sûr. C’est en parti la pression acoustique, le fait d’écouter cette musique plus ou moins surdimensionnée. Mais elle s’écoute comme ça en fait. On n’a pas l’habitude d’écouter de la musique avec cette puissance sonore. Même en concert à moins d’aller voir les gros groupes, U2 ou des trucs comme ça, où là il y a la patate, mais sinon dans des petits bars ou des trucs comme ça, il y a pas cette qualité sonore qu’on retrouve en sound system. Cette pression et la qualité sonore, qui vient par le fait de savoir construire ses box. C’est une chaine, si t’a des amplis qui sont au bout du rouleau, et que le reste il est bien, la restitution sera moyenne. C’est un tout qui fait que la restitution sonore est là.

Donc c’est le son qui est le plus important ?

Ouai en session. Après, vu qu’on n’a pas l’habitude d’écouter cette musique la, quand on écoute certaines tunes qu’on a déjà écouté auparavant à la maison ou sur une chaine hifi, et que là on l’entend en sound avec des gros kilo et une basse énorme, c’est une autre dimension. C’est ça le truc.

Quelqu’un avait décrit une session reggae en disant que tu es dans la musique, comme si tu nageais dedans.

C’est ça, tu es en plein dedans. De toute façon le son il envoie une onde, la « wave » comme ils l’appellent. C’est bien ça, logiquement tu dois sentir la vague du son dans la danse.

Et quand tu organise une danse, tu apportes la musique, mais est ce qu’il y a quelque chose d’autre que tu essayes d’apporter?

C’est sûr et certain que faire un sound system ce n’est pas uniquement passer de la musique et des vinyles, enfin à mon gout. C’est un message à faire passer par la musique que tu joues, avec les artistes que tu puisses inviter. C’est un message de paix, d’unité. C’est les fondations, s’il n’y a pas ça, malheureusement on ne va pas aller bien loin.
Et puis voilà, je crois qu’on est obligé, pour les générations futures de montrer qu’il n’y a pas que du mauvais. Après c’est peut-être pour ça que le reggae a du mal à percer. Parce que c’est un message vraiment fort, et peut être que les politicos en ont peur.
C’est pas que ça pousse à la révolte, mais ça fait réfléchir.

Bin justement ça, en Jamaique et en Angleterre, au début le mouvement était quand même très politique et social. Est-ce qu’en France tu crois que ça se retrouve aussi ?

Bin après il y a 2 catégories je pense. Ceux qui voient le truc, et qui se disent c’est bien sympa ce mouvement et qui ont les sous derrière donc ils se disent ‘on va commencer’. Et puis ceux qui galèrent, qui veulent vraiment faire quelque chose et qui font tout pour y arriver. Après, le fait que les propriétaires d’un sound ils aient des fond derrière, ou qu’ils galèrent et organisent des soirées pour se faire des ronds et pour se payer un scoop, c’est pas la même. Mais au final c’est le message le plus important.

Aussi, depuis en moment j’imagine que tu as du remarquer, la scène sound system en France elle évolue pas mal. A ton avis c’est dû à quoi ?

Ouai, c’est clair. Depuis 5-6 ans ça commence à partir. Même 7-8 ans. Après je ne sais pas trop pourquoi. Mais c’est bien, ça se construit, ça bouge. C’est bien.

Une observation que j’ai fait pour ces recherches, c’est que la France commence à rejoindre l’Angleterre en terme du nombre de sound, de productions…

C’est sûr. Il y a de bons labels en France. De bon groupe français qui jouent bien live. Des bons dubmakers, et des bonnes sonos. Sur la scène reggae dub il y a pas mal. Mais bon après je pense que ça reste plus difficile de faire des danses ici qu’en Angleterre. Ici au niveau des lois c’est plus dur. En Angleterre, j’imagine, vu le nombre de soirées qu’il y a, les gens ils amènent leur sound de partout. Dans une petite boite ils mettent 4 scoops, tu vois. Ce n’est pas dans un bar à Cannes que tu verras 4 scoops. Malgré le fait qu’il y a cette effervescence, les gens – comme tout le monde – on galère. Après c’est pas pareil que de se faire booker et d’aller jouer pour les gens.
C’est différent, quand tu veux faire ton truc et que tu n’as pas de salles, bin tu peux pas faire ton truc. C’est plus en dur en France je pense.
Après il y a des villes ou c’est plus ou moins ouvert à d’autres, mais bon.

Quand tu organise une soirée, est ce que ce que joue change en fonction d’où tu es, ou du monde qui est là ?

Déjà, ça dépend un peu du lieu. Surtout dans la région, parce qu’ici il faut vraiment faire découvrir aux gens ce qu’est le reggae. Donc il faut plus ou moins jouer plus ou moins du ‘commercial’, faire danser un peu les gens, et après tu avancer dans du pointu.
Moi je fais surtout au feeling. Je n’ai pas une sélection présélectionnée à la maison dans une caisse, celui-là c’est le premier, celui-là c’est le dernier.
Justement tout à l’heure on rigolait avec mes potes parce que je ramène une tonne de vinyles et au bout du compte je vais peut-être en jouer 40 ou 50 maxi. 50 avec une version, quelques chanteurs, tu arrives vite à 3-4 heures. Ca va vite.

C’est en fonction de l’ambiance essentiellement. Après début juillet, j’ai fait un truc pour la nuit de la glisse à Cannes. Bon là c’est sûr que c’était des jeunes et tout, donc c’était plus pour leur faire découvrir. Mais bon, il y avait un stack au bord de l’eau. Même quand je poussais ils hallucinaient tous. Il y a le futur maire – enfin, on ne sait pas s’il va passer- qui a fait son discours sur le sound. C’était marrant quoi.
Ça fait un link avec la mairie. C’est eux qui faisaient ça, du coup maintenant ils savent que je suis la. Tous les mois ils font un quartier de nuit, ils appellent ça, et au mois de juillet c’était sur la glisse. Donc ils avaient mis une mini-rampe pour tout l’été a dispo tout au bout de Cannes, juste au bord de l’eau. L’endroit top quoi.
Ça fait un lien avec la mairie, donc on va essayer de faire durer la chose. Le gars il est chaud.
Je pense qu’on est obligé. Je pourrais essayer d’être plus ou moins officiel, pour qu’il y ait du monde qui se déplace. Il faut à mon avis passer avec les mairies. Pour qu’il y ait un message qui soit diffusé avec eux aussi, que ça touche plus de personnes.

C’est vrai qu’au final c’est quand même un peu dans leur intérêt.

Ah c’est clair. Si sa marche, ils voient qu’il n’y a pas de problème. Moi je n’ai jamais eu de problème en soirée. C’est un message conscient.

Et le fait de construire soit même sa sono, d’être autonome en organisant ses soirées, est ce que c’est toujours possible ?

Le plus dur c’est de durer dans le temps. De savoir tenir la barre. Après être autonome à 100%, avoir le générateur pour se poser n’ importe où, c’est un peu difficile. Généralement toutes les soirées reggae en France sont officielles, je pense. C’est géré par des assos, soit il y a du bénéfice soit il y en pas. Souvent il n’y a pas de bénéfice. Souvent c’est ric-rac. Souvent on perd, très souvent.
Donc voilà, mais l’avantage c’est que ce n’est pas considéré comme des raves party. Je dis ça sans critiquer les raves.

Et le vinyle, c’est le truc central des sound. Maintenant tu as le serrato, le mp3. Pourquoi est-ce que c’est resté aussi longtemps ?

Le vinyle c’est la base de toute façon.  Après avoir tout sur vinyle quand tu as des morceaux ou des trucs exclusif, tout presser sur vinyle ou même sur acétate, ça te coûte une fortune. Il faut pouvoir être réaliste. Moi j’ai mon PC portable pour tout ce qui est dubplate ou pré-release. Je ne peux pas m’amuser à tout presser. Quand tu ajoutes la sono, tous les accessoires qui vont avec. Je pense que je suis un des seuls qui possède son propre camion par exemple. Ca fait des frais de suite. Tout presser sur vinyle je ne pense pas que ça soit possible. Après avoir des collectors, c’est autre chose.
Je jongle entre les 2 généralement. Je joue beaucoup de vinyle, et quand j’ai des trucs que j’ai pas en vinyle je les joue en PC. Après j’ai du opter pour le PC parce que justement, à mon gout c’est plus facile que d’avoir 50 CD, ça fait une platine en plus. Donc quitte à avoir un PC, en plus tout le monde en a un maintenant. Si c’est bien encodé, ça sonne comme un CD, le son en soit change pas.
Tant que tout vas bien derrière c’est bon.

Un truc aussi qui différencie un concert, ou un DJ set et une session sound system c’est l’interaction entre le sound et les gens. Comment tu vois cette relation ?

Moi je parle, mais plus ou moins parce que je suis obligé, surtout quand je suis seul. Sinon j’ai 2-3 potes qui assurent plus ou moins,  c’est sympa ce qu’ils font, c’est correct. Parce que c’est difficile de trouver quelqu’un qui fasse les choses correctement, qui fasse véhiculer une vibes.
Alors vu que moi je n’aimais pas trop, j’ai fait pas mal de liens, et j’ai pris l’habitude de faire venir des chanteurs, qui jouent avec moi. Et puis ça leur fait de la promo aussi. Eux ils sont contents.
Donc là avec Jah Marnyah ça fait bientôt 10 ans qu’on se connait. Il vient de Montserrat. Il a débarqué en Angleterre suite à l’irruption du volcan qu’il y a eu. Et lui il fait ça depuis qu’il est là-bas, il fait que ça.

Après c’est clair, avoir quelqu’un qui fasse passer un bon message avec les gens, avoir quelqu’un d’interactif c’est important. C’est une autre façon aussi de faire prendre conscience aux gens de la musique, du message. Parce que les gens ne comprennent pas tous l’anglais.

Est-ce que d’avoir quelqu’un qui te parle ça aide aussi les gens qui sont là à apprécier le sound ?

Je pense qu’il y a une façon de la faire c’est sûr. Quand il y a une tune qui tourne, il faut la laisser tourner. Le mec qui parle constamment sur les vinyles je ne supporte pas. Il faut être raisonnable, trouver le juste milieu. C’est le plus difficile pour un MC je pense, être chanteur c’est autre chose. C’est un savoir-faire. Tout le monde n’est pas chanteur. On ne peut pas s’improviser chanteur.
Après la particularité des sounds system c’est généralement qu’il n’y a qu’une seule platine. Donc quand tu changes de vinyle il y un petit lapse de temps donc ça pousse à l’animation, à faire réagir les gens. C’est pas des DJ purs.
Moi au début je faisais du juggling. J’ai toujours aimé cette façon de jouer à une platine, mais au début ce qu’on avait c’était du vinyle jamaicain. On ne trouvait pas trop d’anglais. Si tu n’allais pas en Angleterre tu ne trouvais pas de distributeur. C’était le début d’internet, en 2002,

Ça remonte maintenant.

Et ouai (rires). Depuis 1998 on fait ça. Moi la première fois que j’ai vu Aba Shanti c’était en 98. C’est ça qui m’a fait découvrir ce milieu.
J’ai habité pendant 3-4 ans dans le sud-ouest, et pendant ce temps-là ma femme était en Angleterre pour des études. Et de ce fait, avec des potes on a pris une baraque dans le lot et Garonne.  J’écoutais du reggae déjà, j’étais avec un pote rasta. Mais c’était des albums, il n’avait pas de 10 pouces, de 45 tours. C’était des albums essentiellement. Donc on écoutait ça.
Et de fil en aiguilles, on a su qu’il y avait des soirées sur Bordeaux, parce qu’on était à 110 km. Du coup on allait sur Bordeaux écouter des sound systems.

Et il y avait qui a cette époque sur Bordeaux ?

Il y avait King Jammin. Big up d’ailleurs, parce qu’il y est toujours – du moins sur internet il a toujours son site. Et voilà, j’ai commencé à lui acheter des Jamaicains, parce que lui il faisait de l’album du CD et du jamaicain. Il ne faisait pas d’anglais. Il n’y avait ce lien pour acheter les press anglaises.

Pourtant c’est plus près ?

C’est ouf ! Il y avait des liens en Jamaique et rien en Angleterre. Que du 7 pouce, press Jamaiquaine à l’ancienne. Donc je montais plus ou moins régulièrement en Angleterre pour voir ma femme, et puis un jour on se baladait on a vu des flyers, c’était Aba shanti. Donc on a été voir pour la première fois, et on a pris une claque.

Et puis quand je suis rentré en France j’ai acheté 2 petites enceintes full range,  à la campagne, on était au bord de la Garonne, il y avait personne. On mettait la sono a donf’ toute la journée, c’était royal quoi.
Et puis ma femme et redescendu sur Cannes, je suis revenue moi aussi. Et puis on s’est dit on va monter une asso, on va faire un petit local. Mon pote sur Bordeaux, le disquaire, on était devenu de bons amis, donc il m’a donné tous les filons, les fournisseurs. Et on a fait un petit local de distribution sur Cannes, alors qu’il n’y avait rien. C’était en 2000. C’était Lion Roots Records. Ça marchait plus ou moins, c’était cool. Il y avait 2-3 DJ qui achetaient Jamaicain, qui mixaient dans des pubs, sur Nice, ou des  fois dans des boites de nuit. Ils étaient plus Hip-hop Ragga, jungle, un peu de dancehall… Du Jamaicain quoi.

Donc bon, ça payait les frais, les factures riens qu’avec eux. Et du coup je jouais moi aussi dans des pubs sur Nice pour faire avancer la chose. Et puis voilà, ça s’est fait comme ça.
Après de Nice on est retourné en Angleterre. On a été au carnaval, notre premier carnaval. On a revu Aba, et c’est là où on a fait les liens. On l’a fait descendre en octobre qui suivait le carnaval. Et il y avait une demande, donc je lui ai fait faire une date à Toulouse, une date à bordeaux. Et puis j’ai fait une date dans un pub entre Nice et Antibes qui fermait à 5h du matin dans une zone indus. C’était le bon plan. Mais le gars il n’a pas tenu. A l’époque j’avais pas tout ça. Il y avait 4 scoops en 15 pouces, et j’avais déjà les enceintes chromé que tu vois là-bas.

Et pour finir,  est ce que tu penses qu’il y ait soit une ambiance, soit un message différent entre une danse plus roots du style Aba Shanti, et une danse plus technoid du style Iration steppas ?

Non c’est bien je pense ça mélange les gens quand tu varie. Il y a peut-être des jeunes qui vont venir pour Iration parce que c’est plus « jump up ». Mais bon Aba  il sait bien retourner aussi avec du roots.

Après, c’est savoir comment tu amènes ta sélection, et de faire passer un bon message.
J’ai vu ce genre de danse en Angleterre, ou il y a deux salles. Ce qui est bien avec cet effet de ping pong c’est que c’est pas la même chose pendant 3-4 heures. C’est bien quand il y a plusieurs sounds que ça soit varié. Ca dynamise aussi les gens qui sont là.

Interview OBF & Shanti D

obf

(photo par Vincent Besson)

“le reggae c’est une histoire. Le sound system c’est une histoire qu’il faut raconter.”

Interview avec OBF et Shanti D avant leur session à Aix pour la fête de la musique 2013.

Qu’est-ce qui vous a poussé vers le reggae et pourquoi vous avez décidé de monter votre propre sono ?

Rico: Alors, on a commencé aux alentours des années 2000 sérieusement à acheter des vinyles. Et du coup ce qui nous a influencé c’est la scène alternative Genevoise. C’est grace à elle qu’on a commencé à connaitre ce milieu, celui du reggae, du sound system, et du dancehall et du dub anglais, grâce à certaines personnes, acteurs du milieu reggae. Comme Asher selector et Cultural Warriors qui organisait des soirées dans des squats, un milieu qui était très actif avant à Genève. Donc c’était des soirées avec des prix très attractifs, des boissons pas chères, plein de gens, des sounds systems, une bonne ambiance. Du coup on était toujours dans ce genre d’endroit, et à chaque fois c’était soirée reggae-sound, donc l’immersion a vraiment commencé dans les caves des squats à Genève.

Guillaume: Qui n’existent plus d’ailleurs…

Et du coup, les squats, au niveau gestion et tout ça, c’est quand même proche des raves et des free. Est-ce que il y des ressemblances entre les free et la scène reggae ? Et est ce qu’il y a de grosses différences aussi ?

Rico: La ressemblance entre le mouvement free et les sound systems reggae, c’est que les gens se retrouvent unis, ensemble, pour un but : le plaisir de pouvoir danser sur la musique, avoir un niveau sonore approprié au type de musique qu’on écoute, et d’avoir la liberté de s’exprimer comme on veut sur le dancefloor.

Au final c’est vraiment à voir avec l’autonomie en fait ?

Rico: A Gèneve, il y a 10 ans, c’était vraiment beaucoup de soirées autogérés, ouais. C’était l’autogestion qui primait à Genève.

Et au niveau différences ?

Rico: Bin il y a la drogue dure en moins dans les soirées reggae. Et autrement, eh bien les Bpm.

Guillaume: et aussi il y a le côté identitaire par rapport à la sono qu’on utilise. Du coup la sono fait son identité, et donc les gens viennent voir ceux qui jouent et aussi pour écouter leurs sono. Et c’est ce qui fait l’identité du son quoi.

Donc l’identité d’un sound ou d’un collectif c’est ça sono ?

Guillaume: Voilà, c’est la sono, vu que c’est son instrument.

Rico : Mais il y a le crew aussi, les sélections.

Guillaume : c’est ce qui rapproche les deux milieux, c’est ce côté « home made », autogestion.

Depuis un petit moment vous jouez un peu de partout, mais surtout en Angleterre. Vu que c’est on va dire le 2e point de naissance des sounds reggae – est ce que vous avez remarqué une différence entre la scène UK et la scène française ?

Rico: Bin les Anglais ont plus eu une éducation depuis les années 70, avec tous les exilés Jamaïcains qui sont venues en Angleterre. Donc les Jamaïcains ont amenés cette culture. Donc les anglais, depuis 40 ans, même plus avec le lovers rock et tout, ils ont baigné dedans depuis plus de 40 ans.

Alors qu’en France c’est arrivé que plus tard – début des années 90 avec les Bordelais. Avec Manutention par exemple qui avait fait venir Jah Shaka. Et à Genève c’était pareil, c’était beaucoup de groupes reggae qui venaient dans les années 80, fin 80. Et le début des sounds system est venu dans les années 90.

Mais en même temps, en France aujourd’hui il y a beaucoup plus de sounds qui se développent. On peut presque dire que la France dépasse l’Angleterre.

Guillaume : Les anglais commencent presque à dire que la scène dub aujourd’hui est en France, plus que chez eux. Parce que aussi chez eux c’est de plus en plus dure de jouer avec sa sono, peu de salles acceptent les sounds system à cause du niveau sonore élevé, etc…
Aussi il y le côté un peu plus nouveaux ici en France.

Rico : ouai c’est ça – il y plus d’euphorie en France. En France, j’ai l’impression que le dub est beaucoup plus ouvert, le public  est beaucoup plus large.

Guillaume : ça nous arrive de rencontrer des punks, des fana d’électro, de tout. En Angleterre tu vas a une danse roots, tu auras probablement que des ‘roots’.

C’est intéressant que vous disiez ça. Jerome [des mungo’s hifi] me disait justement qu’en France ils ne peuvent pas jouer les même choses qu’ils jouent chez eux à Glasgow. A leurs soirées ils passent de tous, dub, dubstep, dancehall… et ça, ça ne passe pas trop en France.

Rico : bin, ça dépend dans quelles soirées. Mais c’est vrai que dans certaines soirées en France les gens ne connaissent rien, donc c’est le travail du sound de leur faire une petite éducation avec des morceaux qu’ils connaissent. Les amadouer comme ça, et après tu peux expérimenter.

Par rapport à la musique encore, vous avez tendance jouer plus du steppa, du dub on va dire électro. Est-ce qu’il y a une différence en terme de message ou d’ambiance entre ce que vous jouez et les productions plus ‘roots’ comme Aba Shanti par exemple ?

Guillaume : La base est même. Apres on a un différend message qu’Aba Shanti. Aba Shanti est un rasta, il prône le rastafarianism, ce que nous on ne prône pas forcement.

Et du coup s’il y a un message à passer à vos soirées, qu’est-ce que c’est ?

Rico : Eh bien nous c’est vraiment le message militant. Avec la pression que l’on subit en ce moment avec le system,  nous on absorbe tout ça tout au long de l’année, on le retranscrit dans nos soirée avec justement des morceaux plus ‘hard’, steppa, des lyrics plus militant, anti-system, ou des lyrics qui simplement expriment la vie de tous les jours.

Donc c’est quand même très politique.

Guillaume : c’est politique, social – tout.

Pour vous comment se passe une bonne session ?

Rico : c’est de commencer avec des gros révival des années 70, roots radics. Des mic-man qui défoncent le micro, les gens qui s’ambiancent sur le dancefloor, qui ‘whine’ ; et puis après passer à des musiques plus actuels.

Guillaume : le public fait beaucoup – il joue beaucoup.

C’est vrai que les sessions reggae sont différentes d’un DJ set traditionnel ou le DJ fait son set et puis part. Il faut parler avec son public.

Rico : ouai, le reggae c’est une histoire. Le sound system c’est une histoire qu’il faut raconter.

Guillaume : C’est surtout que souvent les gens ils ne connaissent pas. Ils arrivent et ils voient ce côté physique de la chose, le son fort, on est au sol – alors souvent les gens en France ne nous regarde pas forcement, ils regardent plutôt les enceintes. Ça c’est aussi la culture qui vient du mouvement techno : les gens viennent pour être devant le mur. En Angleterre ça tu le retrouve pas forcement, les gens sont vers ceux qui jouent. C’est différent, une différente éducation.

Dans une des interviews que j’ai faites récemment d’un sound qui vient on va dire du milieu techno-free parties. Et il disait que le milieu reggae commence à être un peu comme le milieu techno : victime de son succès.

Rico : Ouai, enfin ça dépends quelles soirées. Il y a des soirées qui sont typées plus vers le roots reggae qui attirent plus un publique de connaisseur, et d’autres soirées reggae qui sont un peu plus ouvert on va dire. Mais c’est vrai que les gens aiment de plus en plus se retrouver dans les soirées reggae, mais pourquoi ? Parce qu’il y a une bonne ambiance, il y a une bonne vibes. Il n’y a pas de prise de tête, les gens ne sont pas sur-défoncés. Ils viennent pour la musique quoi, il y a ça qui prime. Le gens viennent pour la vibes quoi.

Guillaume : C’est le son aussi. Avec le sound system il y a aussi le côté beaucoup plus lourd du reggae qu’on ne connait pas forcement en écoutant chez soi. Ça se joue normalement comme ça, la basse tu dois la ressentir à l’intérieur de toi, c’est ce qui fait danser.

Aussi niveau musique, vous jouez plutôt avec du digital, CD. Vous utilisez aussi du vinyle ?

Guillaume : Comme on dit, on commence souvent les sessions avec du revival 70, donc on peut très bien jouer du vinyle pendant 2 heures. Et après on va jouer autant les compos, ou les compos des potes, donc la ça sera plus en CD ou digital.

Le vinyle c’est quand même la base du reggae. De garder le vinyle, est ce que c’est une résistance en quelque sorte ? Vous pensez que ça va jamais passer complètement au digital ?

Guillaume : Bin non, c’est la base. Nous on achète des vinyles tout le temps. Tu ne retrouveras jamais le même son déjà. Et puis entendre le crépitement du vinyle, tu poses le diamant, c’est tout un truc. Il y une chaleur avec le vinyle.

Rico : et maintenant on commence à numériser nos vinyles justement, parce que voyager avec le vinyle c’est très dur. Donc on commence a tout numériser. Mais des fois il faut quand même montrer aux gens que tu l’as cette plaque, c’est la pièce en soi.

Et vos soirées, maintenant et avant, vous les faisiez dans quels genres d’endroits ?

Guillaume : bin nous on habite à côté de la frontière de Genève, du côté français, du coup on a eu un squat, un endroit autogéré qu’on a ouvert. On a commencé à faire des soirées dans le sous-sol là-bas.
Nos premiers invités étaient Uzinadub, de Bordeaux, c’était en 2002 je crois. Et puis ça a commencé comme ça. On a pu organiser plusieurs soirées grâce à ce lieux, se faire connaitre comme ça.

Et est-ce que les lieux que vous utilisez maintenant sont dans le même style ?

Guillaume : beaucoup moins.  A Genève c’est beaucoup plus dur… C’est même impossible d’ouvrir un lieu comme ça maintenant. Du coup on joue beaucoup à l’Usine.

Rico : Qui est encore un lieu dans le même style, mais à plus grande capacité. Mais c’est vrai que maintenant la scène s’ouvre beaucoup au milieu ‘club’. Et c’est mélangé en fait : endroits underground alternatif et club.

Ce qui revient beaucoup dans le reggae c’est la philosophie ‘fait le toi-même’ : tu construis ta sono, t’organise tes propres soirée, et souvent dans des endroits autogéré, ou publique.. ?

Guillaume : On ne peut pas jouer partout avec la sono, ça c’est sûr.

Shanti D : Ils ne veulent pas de toi, c’est trop fort. Si tu dis que tu à un sound tu es banni des trois quarts des salles.

Rico : même les programmateurs des salles ‘officielles’, les SMACs, ils ne connaissent pas ce milieu. Le reggae pour eu ça se résume à  Gladiators et Congos, et encore. Mais autrement les programmateurs des SMACs ils n’ont pas envie de s’ouvrir l’esprit. Là on intègre les SMACs avec les High Tone quand on tourne avec eux, parce qu’ils ont des connexions officiels. Voilà, c’est comme ça qu’on s’intègre à la scène SMAC, c’est avec des groupes comme eux.

Mais est ce que jouer dans des endroits comme ça, on ne perd pas un peu l’élément de base du reggae, justement de jouer dans les clubs. ?

Guillaume : non je ne pense pas. Je pense que ça ouvre à d’autre gens qui ne seraient pas venus normalement, à un autre public. Et je trouve ça plutôt bien.

Rico : Aussi c’est dur de trouver des salles où se produire – et puis après ça dépend le message que tu fais passer. Tu peux être dans un endroit genre club ‘hype’,  mais tu peux arriver à mettre ta propre vibe.

Shanti D : Tant que tu arrives à mettre ta propre sono c’est bon. C’est exceptionnel quand même, quand on joue au 104 par exemple. Le 104 c’est incroyable qu’il y ai un sound system la dedans – c’est plutôt branché art, contemporain, machin… Le dub ça change l’endroit.

Guillaume : C’est aussi quand on amène la sono dans des endroits comme ça qu’ils comprennent la différence, puisque des fois ils nous voient en DJ set, ils ne vont pas forcement comprendre le truc. Apres ils nous voient avec le system et tout, ils font « ah ouai putain bon d’accord ».

C’est un peu comme si vous arrivez à créer votre endroit, votre espace.

Guillaume : voilà, ça crée une énergie, on a notre propre énergie. Et puis les gens aussi.

Rico : on créé notre bulle à l’intérieur de la bulle.

Shanti D : Le truc c’est que en général dans les SMAC, ça les branche pas parce qu’ils ont pas envie de bosser, parce qu’ils sont payé pareil, tu vois. Qu’il y ai du monde, qu’il y ai pas de monde, que ça soit bien que ça soit pas bien, il s’en foutent. Apres il y a des gens qui sont un peu investis, mais moi de ce que j’ai vu, la plupart des mecs ils en ont rien à foutre.
Et puis moi carrément  ce que j’ai vu – la soirée qu’on avait fait à Lyon par exemple, le mec il nous a fait « Ah non ça a trop bien marché on le refait plus ». Parce que le mec il n’a pas envie de bosser quand il y a trop monde.

Rico : Ça c’est rare quand même, mais ça arrive

Shanti D : Parce que tu n’as pas fait beaucoup de SMAC, mais je peux te dire que tu tombes souvent sur des bras cassés.

Rico : mais bon il y des merdes partout.

Guillaume : Quand ils organisent un truc dub chez nous, Il y a aucune promo – les High Tone par exemple quand ils viennent jouer, on le sait même pas qu’ils jouent chez nous.

Comment vous décririez une session reggae sound system :

Rico : alors comme on a dit tout à l’heure c’est une histoire, on vient pour raconter l’histoire du reggae. Donc on peut commencer par exemple par quelques tunes rocksteady, ska, ensuite revival années 70 – gros roots radics. Apres nous on kiffe le digital donc on va enchainer sur les années 80. On zappe un peu la période années 90 et après on enchaine sur les sons un peu plus actuels. Avec les mic-man qui défoncent les versions, c’est vraiment le show quoi.

Guillaume : enfin pas toujours (rires)

Après pour revenir un peu sur l’identité des sounds 

Guillaume : C’est vraiment ce qui relie la scène techno et la scène reggae. Le coté sound system autogéré. Les gens vont aussi voir un sound pour sa sono. Tel sono sonne comme ça, tel crew va jouer tels sélections. C’est un tout quoi.

Et si l’identité viens de la sono, si par exemple disons Jah Shaka par exemple sur votre sono, est la soirée garderait votre identité, ou est-ce que on se retrouverait a une soirée shaka ?

Guillaume : Les gens qui vont a soirée où il y Shaka viennent pour le voir jouer. Il a une sélections qui sera jamais la même que la nôtre. Shaka c’est Shaka – mais qu’il joue sur sa sono, ou sur le son d’un autre, ça sera pas pareil. C’est comme nous si on joue sur la sono d’un autre, ça sera diffèrent.
Apres tu peux quand même brûler danses si tu n’es pas sur ta sono. Ça sera diffèrent, c’est pas ton son.

Shanti D : Quand tu fais des morceaux, tu sais que tu vas les jouer sur ta sono, donc ça sonne d’une manière. Apres tu l’essaye sur une autre sono, tu vas faire « a putain ! C’est tout pourri » tu ne reconnais pas ton morceau.

Rico : ouai, ça arrive

Aussi, quelque chose qui est revenu pas mal, c’est le fait qu’il n’y a plus beaucoup d’endroit pour poser la sono. Beaucoup d’endroits, si déjà si tu arrives avec 8 scoops, ils flippent.

Guillaume : Ah ça, on peut jamais jouer avec 3 murs en intérieurs. Ça arrive deux fois dans l’année quoi.

Shanti D : Bin déjà ils sont passés les mesureurs de décibels là. Ils sont passés tout à l’heure – tu vois ils passent pour la fête de la musique, alors t’imagine dans les salles.

Guillaume : 3 stacks, on joue Marseille 3 stack. A Lyon aussi au Hangar et Double Mixte.

Shanti D : Avec les High Tone la dernière fois

Guillaume :
non les High Tone on a jamais sortis 3 stacks. En intérieur jamais

Shanti D : Ah en intérieur. Bin au 104 aussi.

Guillaume : ah ouai 104 aussi.

Et du coup les sélections que vous passez elles changent en fonction de l’endroit où vous jouez ?

Guillaume : Ça change toujours, on fera jamais le même set. Apres on sait quel morceaux on voudrait jouer.

Shanti D : C’est surtout en fonction des gens.

Guillaume : Voilà, c’est selon comment les gens réagissent à tel ou tel morceaux

Donc c’est un écho constant en fait

Guillaume : c’est ça, c’est un échange.

Interview Welders HiFi

welders sound system

(Photo par Alex See)

“Le reggae à l’origine c’est un peu la musique des opprimés etc. on n’est pas trop des opprimés en Europe, on est plutôt privilégié. Mais on a quand même des choses à revendiquer, et ça fait partie d’une alternative” 

Interview avec Albah du Welders HiFI sound system sur ce que c’est que de construire son sound system, le rôle des raves dans le paysage sound system français, et l’art de ‘chatter’ au micro.

Comment est-ce que tu as découvert le reggae,  et qu’est ce qui t’a poussé à monter ta propre sono ?

Alors, comment j’ai découvert le reggae. Je pense – je ne saurai pas trop te dire exactement comment. Je sais que mes parents avaient des vinyles de Bob Marley, Third World, et Peter Tosh, donc déjà j’en avais entendu là. Apres les premiers trucs que j’écoutais en reggae, ce n’était peut-être pas hyper conventionnel, mais c’était Massilia Sound System. Parce qu’on est dans le sud, et c’est le premier concert que j’ai fait de ma vie.

Donc c’était au collège, quand j’avais 12 ans un truc comme ça. Et puis après j’ai commencé à vraiment en écouter, voilà, au collège-lycée. Sans forcément m’intéresser au vinyle. J’écoutais un peu  ce que tout le monde connais, gladiators etc… et puis des petits groupes de reggae français : tryo, babylon circus.

Apres, tout mon lycée, de 2000 à 2005, j’ai pas mal fréquenté les milieux technos, free parties… Et en parallèle je continuai à écouter du reggae.  Ensuite, quand ça m’a un peu passé d’aller en rave, j’ai commencé à acheter du vinyle, plutôt new roots à l’époque. Je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs, je crois que j’avais un pote allemand qui collectionnait un peu, et du coup j’ai commencé à collectionner comme ça.
Et puis un jour à garance aussi. Les premiers sounds sytems que j’ai vu  c’était à garance en 2003.

Mais garance quand c’était dans le sud ou avant ?

Non, avant. Enfin quand c’était le jamaïcain sunrise à Bagnols. 2003, c’était. Je crois que c’était King earthquake, ou jah shaka.  Un truc comme ça parce que je me souviens qu’il y avait une énorme sono, et ça m’avait bien impressionné.

Donc en 2000 j’ai commencé à aller en teuf, toujours en écoutant du reggae, mais allant en Sound system tecno. 2003 je me suis aperçus qu’il y avait des Sound system reggae, et puis j’écoutais du reggae. Et puis j’ai commencé à avoir des vinyles vers 2005, peut été un peu avant.
Et donc tout ça à fait que, bin en connectant un peu le coté Sound system techno, le fait  que j’aime beaucoup le reggae, et en plus je suis  multi-instrumentaliste. Enfin surtout percussionniste. J’ai des groupes de musique depuis que j’ai 15 on va dire – pas du tout reggae d’ailleurs – Avec lesquels on tournait, avec Joe, le pote avec qui je fais le Sound system. Il y a 10 ans déjà, on a fondé notre asso pour ça à l’origine.

Et voilà, donc quand j’ai découvert le sound system reggae dub, je me suis retrouvé sur plein d’aspects la dedans, qui me permettaient de conjuguer plein d’aspect musicaux que j’aimais bien : qu’il y ai un gros mur de son et que ça tape de la techno ; le fait qu’il y ai du reggae et qu’il y a des instruments, un côté un peu plus mélodique et tout, mais en configuration Sound system.
Du coup c’est comme ça que je suis rentré dans le truc, mais au début pas du tout en pensant construire mon Sound system. Juste en temps qu’amateur de la musique. Et puis moi c’était new roots que j’écoutais au début, pas du tout dub.
Mais bon ça a fait son chemin petit à petit.

J’ai fait mes études à Nancy, en Espagne etc., et puis je suis revenu à la fin – quand j’ai passé mon master je suis revenu  faire mon stage de fin d’étude a Avignon. Donc je me suis retrouvé avec mes potes avec qui j’avais mes groupes de musique quand j’étais jeune. C’était des punks, des techno mans, des machins… Et du coup on a refondé un groupe dub, parce que moi je kiffais le reggae, et je sais pas pourquoi, les autres se sont mis à en écouter aussi. Moi j’étais un peu tout seul au début. Et du coup on a fondé un groupe dub, mais plus accès dub français.

Donc ça c’était les dub welders ?

Ouai voilà, dub welder. C’était en 2008 je crois. Plus accès dub français, mais au final dub au sens large. Sa faisais un moment que j’allais dans les dub station à Montpellier, enfin, les dub school je crois que ça s’appelais. C’était lion roots.
Et donc assez rapidement, dub welders on s’est retrouvé. On collectionnait tous a peux près des vinyles. On s’est retrouvé tous à faire un peu du dub, reggae, on avait tous des vinyles, on allait en Sound system. Et puis, je ne sais pas, un jour l’idée a germé : on aimerait bien avoir notre propre system de diffusion, il ne manquait plus que ça.
D’autant plus que Joe, le pote avec qui on fait le Sound system aujourd’hui avait beaucoup de matos, vu qu’il est ingénieur son depuis plusieurs année. Ils avaient un system industriels, bon de 3KW tu vois, on avait déjà empilé les enceintes.

Donc on avait déjà plus ou moins un Sound system si on mettait chacun nos amplis etc. mais ce n’était pas artisanal. On s’est vite rendu compte que si on voulait avoir du son comme il faut, il fallait mettre la main à la patte et construire le bordel.
Donc on a commencé à construire ça fin 2008, début 2009 je crois. Si je me souviens bien la première date qu’on a fait c’était en 2009.
Je crois qu’on a eu 2 scoops pour la fête de la musique 2009. Donc à partir du moment où on a eu les 2 premiers scoop – au début on mettait au-dessus les amplis qu’on avait. Et puis après on s’est dit qu’il fallait faire le reste. Donc on a fait le chapiteau des 2 premiers scoops. Puis on s’est dit, bin 2 ça suffit pas faut en faire 4.

Apes nous notre technique ça a été de construire, parce que je ne sais pas, on a toujours été aussi bien dans le musique que dans tout le reste, on a toujours été très autonome. On organisait nous-même nos concerts quand on faisait des concerts, on sonorisait nous-même… Donc l’autonomie à la fois dans l’organisation et dans le truc, elle a glissé sur l’autonomie de sonorisation, parce qu’on avait un peu les moyens. Et puis après on est allé vers l’artisanal, ou la t’es non seulement autonome, mais en plus c’est toi qui a tout fait.

Bon après, comme tu sais, c’est une amélioration permanente. Je pense qu’il n’y a pas un mois qui passe sans qu’on parle de qu’est ce qu’on va racheter, changer…
Donc la jeunesse du truc, ça a été ça. Au début on a été un peu plus dans le projet, il y avait beaucoup. Au moment où il a fallu poser 15 jours de congés, sortir 2000e pour aller acheter du bois des amplis et des enceintes, on s’est retrouvé à 2. Bon parce qu’il y a des potes qui n’avaient pas de boulot, donc les mecs ils ne pouvaient pas suivre. Mais nous on voulait avancer donc sans ces personnes-là, sans que ça se passe mal, mais petit à petit sa s’est fait qu’on a lâché du monde en route parce qu’on voulait avancer a certain rythme qui était peut-être un peu trop rapide en terme de temps et d’investissement.
Donc voilà comment ça s’est fait. Les premières soirée on s’est fait inviter – on a fait la fête de la musique, et on a fait une soirée dans le Cévennes aussi. C’était bien pour se faire la main.
Et puis, comme j’ai dit, l’assois a été créé en 2004.

 C’était laquelle d’asso ça ?

C’est l’Association Entre Collègue (AEC), c’est l’asso qui existe toujours. Qui gère le sound system welders , avec qui on fait les massives corner.

Et la City Wall c’est différent ?

City Wall c’est une autre asso qu’on a créé Avignon, qui est ouverte à d’autres. Il y a des petits groupes de reggae locaux, des petits sourds – et nous on a une assos qui sert qu’aux sound system, avec laquelle on organise les danses ou il n’y a que nous. Et puis il y a l’autre asso sur Avignon dans laquelle il y a le sound et un autre groupe et un autre sound, et qui regroupe un peu les activistes avignonnais – et la o organise des trucs, ça peut-être des concerts, des soirées… Et dans laquelle, du coup les sous qui sont gagné servent à faire d’autres évènements. Alors que l’assos ente collègue elle sert qu’au sound. Toutes la thune qui est dedans elle sert qu’au son, elle est réinvestie pour ça.
Et donc voilà, du coup on a commencé à organiser nos Massives Corners. Je crois que la première devait être en début 2010. Mai 2010 la première il me semble.

Et ça c’était à l’Akwaba ou pas encore ?

Non, l’Akwaba c’est venu bien après. Ça c’était dans des petites salles qu’on louait, totale autonomie. On organisait nos trucs, on louait des petites salles autour d’Avignon.
Le lien avec l’Akwaba. Bin l’Akwaba c’est une salle qu’on connait depuis toujours, étant d’Avignon. Nous on a joué avec nos petits groupes à l’époque, Joe il est Inge son sur Avignon, donc il connait tous les régisseurs. Il est déjà allé bosser à l’Akwaba parce qu’il sonorise pas mal de groupes. Du coup bin voilà, il est allé en tant qu’Ingé son, et bin l’Akwaba avait envie de faire des soirées reggae dub. Le truc se développant, sa s’est fait ; on a fait une Co production et on fait 2-3 soirées par an là-bas.
Mais après des massives corners à Avignon on en fait hors Akwaba. On en fait d’autre salles qu’on loue ou là on fait tout. Et on en fait en co-production avec l’Akwaba.

C’est quand même le principe d’autonomie qui revient assez souvent non ?

Ouai. On a vite trouvé les limites dans le fait qu’on est tous bénévoles, et au bout d’un moment,  si tu veux faire des trucs un peu gros, eh bien on besoin d’un peu d’aide. De structures un peu plus calés, qui ont des salariés, qui ont un lieu – comme l’akwaba.
Donc là on a du s’associer – mais je ne considère pas ça forcément comme une perte d’autonomie. Surtout que l’Akwaba est une coopérative, donc elle reste quand même plus ou moins indépendante.

Mais ouai voilà, ça reste de la scène indépendante. Nous on a jamais demandé de subventions. Bon on va peut-être le faire, mais voilà, on essaye de garder notre autonomie. Mais ça nous empêche pas de collaborer avec d’autre gens, du moment qu’on reste sur une même longueur d’onde.
Apres, c’est vrai qu’a l’Akwaba, on est un peu moins autonomes, mais même quand on fait des choses avec City Wall, on est un peu moins autonome dans les choix parce que quand on fait des trucs avec le sound, on se dit « c’est bon on fait venir, tel gars, tel sound, et hop, c’est partis » ; mais Là c’est Jo et moi, on appelle la salle, on fait quelques appelles pour la bière et tac, c’est réglé. Alors qu’avec l’Akwaba, il faut que tu fasses une prog ‘ un peu collégiale. Qu’on discute avec city Wall d’un côté, après avec l’Akwaba, que ça corresponde à un truc suffisamment gros pour ramener 3 à 400 personnes, on ne va pas faire un petit Sound meeting avec les Bashy alors que ça on va te le faire dans une petites salle qu’on va louer 500 balles, tu vois.

Donc les 2 sont complémentaires. L’Akwaba on fait plus de la prog’, mais après nous sa nous convient aussi. Et puis nous en dehors on fait nos petits sounds meeting, dans des salles ou là on gère tout de A à Z. Donc là on est à la 16e Massive Corner. En gros on essaye de faire à peu près une soirée par mois, mais on en fait plus. Parce qu’on a d’autre soirées, on n’a pas que les massives corner. Quand on va jouer dans les Cévennes, ce n’est pas le même nom. Quand on va jouer dans les alpes de haute Provence non plus.
On a dû en faire une trentaine jusqu’à maintenant. Environs une dizaine par an depuis 2010.

Ça va, c’est un bon rythme !

Ouai ouai ça va. Apres il y en a ou il y a 70 personnes. Apres il y en a d’autres ou il y a 500 personnes. T’en fait 10 petites pour en faire une grosse. Mais les petites c’est bien aussi, tu te fais plaisir, tu te fais la main, tu teste des nouveaux trucs.

Et le fait d’avoir une sono ‘home made’, sa rajoute au principe d’autonomie, mais est-ce que ça apporte quelque chose d’autre aussi ?

Ouai. Sa apporte plusieurs choses je pense.
Déjà sa apporte que ça coûte quand même moins que si tu l’acheté – sauf si tu l’acheté d’occasion, encore je pense que c’est peut-être pas forcément vrai.

Mais bon, tu as du matos neuf moins cher que si tu as du matos neuf ‘industriel’ on va dire. Ceci dis tu peux acheter des scoops neuf, à Lion Roots ou d’autres qui en fabriquent, mais la tu les a pas fait. Et moi je trouve, en tout cas moi dans le démarche un peu d’autonomie, j’ai l’impression qu’il y a – je ne sais pas quel mot utiliser – mérite ?… C’est une genre de notoriété, d’avoir fait son propre sound.
Le mec qui a passé une semaine à construire ses scoops, à aligner les trucs, a visser etc… Qui a fait tout son sound system de A à Z, je pense en tout cas de mon point de vue, que dans le milieux du sound system, il y a une plus grande reconnaissance pour ces gens-là que pour des mecs comme Jumbo Rock qui s’achètent 10 scoops chez Jah Tubbys et puis voilà. Il a branché 3 trucs et c’est parti.
Après, le fait de construire tout soit même – bon c’est une question de thunes, et puis tu peux le faire à ton rythme aussi, ça te permet de te faire la main petit à petit. Tu apprends à vraiment connaitre ton sound. Tu crame 1 ou 2 hauts parleurs de temps en temps.

Je reprends l’exemple de Jumbo Rock – j’ai rien contre lui – mais il a acheté ses 10 scoops, il est descendu au garance, il a fait le sound sur le camping du 2e garance, il y a 2 ans. Et il a cramé tous ses médiums et il est rentré chez lui. Mais il aurait construit lui-même ses 10 scoops, il aurait mis 5 ans à les construire, et il aurait eu le temps d’apprendre à faire fonctionner sa sono, et il aurait pas tout cramé.
Donc il y a aussi ça. Bon après tu peux racheter des trucs, mais déjà de l’avoir fait une fois ça te permet de bien comprendre le fonctionnement de ton son, de bien réfléchir sur toi, ce que tu veux en terme de rendu sonore, d’écouté, ce que t’a sur tel ou tel son… Donc ça te permet de te questionner sur la qualité de son que tu veux, et voilà.

Après bien sur t’a l’autonomie, mais après tu ne peux t’en vouloir qu’à toi-même si ta sono elle marche mal, et tu vas avoir peut être plus de facilité à te dire ‘tiens il va falloir améliorer ça’, parce que tu sais que, au moment où t’as fait ton truc, t’a mis un haut-parleur pas cher, parce que voilà, t’avais pas les sous. Alors qu’il y en a qui prennent les trucs un peu clef en main et au final ils connaissent un peu moins bien leur sono et ils sont peut-être pas capable de diagnostiquer un problème, tu vois.
Tu sais comment il fonctionne, tu sais comment le réparer, et tu as été obligé de mettre du temps à le faire, et ce temps il est nécessaire pour savoir faire marcher ton sound.
Et puis, comme je t’ai dit, j’ai tendance à considérer plus les sounds systems qui ont construit leur sono de A a Z, que les mecs qui ont tout acheté et qui un jour se ramènent avec 10 KW de son. Bien que ces mecs la fassent des choses bien, et apprennent au fur et à mesure, et au bout d’un moment il y a peut-être plus de différence.

Mais je suis plutôt partisan du ‘do It yourself’. Et ceci ça va jusqu’aux productions aussi, il n’y a pas que la sono dans l’histoire, tu vois. De pouvoir jouer ton son, sur ta sono – la c’est ce qu’on vise. C’est un peu la consécration du truc. Tu contrôle tout. C’est soit toi qui a tout fait ou qui a demandé à ce que ça soit fait sur mesure pour toi.

Et du coup, ça me rappelle un débat qu’il y a eu sur internet ; qu’est ce qui fait l’identité d’une sono, d’un collectif, d’un sound ?

Alors, il y a plusieurs choses je dirais. En plus c’est assez marrant parce qu’il y a vraiment des identités fortes, en tout cas tout cas dans les sonos. Tu vois Mungos, OBF, ou Blackboard, et bin les 3 ça n’a rien à voir. Mais c’’est des choses qui se développent avec le temps. La nôtre elle est en train de se construire. Il faut la chercher. T’a les rastas, t’as les pas rastas, t’as les mecs pas rasta mais qui sont plus proche des rastas… etc

On va dire l’identité elle est déjà visuelle. Un sound system tout noir, tout grillagé à la Iration, c’est un peu agressif comme truc, visuellement. Et en général ça correspond aussi à quelque chose derrière. Tu vois la sono de Channel One, c’est tout en bois, t’a grilles rondes sur les hauts parleurs, t’a l’impression que ça va jouer roots, et effectivement, c’est un peu plus ça.
Les soirées Iration c’est ‘ruff’ quoi, les gars ils tapent sur les hauts parleurs, du coup ils sont limite obligé de mettre des full grid.
Bon les nôtres ils sont un peu enfoncés aussi – et puis t’a des mecs qui jouent du gros bourrin même sur des sonos en bois. Mais je trouve quand même, il y a un peu ce côté-là. Il faudrait faire une comparaison tu vois, classer les sounds system un peu ‘hard’, et voir la gueule des sonos qu’ils ont, et c’est que souvent c’est lié. Celle des Blackboard elle est plus ronde…

Donc tu as cette identité visuelle dans un premier temps. Mais bon qui peut évoluer avec le temps, en fonction du sound – nous on va repeindre le grilles bientôt.. Enfin bon.
Après tu as une identité, au-delà de la musique que tu joues, de grain sonore. Il y a des sonos plus métalliques, plus rondes selon si tu mets du pavillonnaire – je ne sais pas si tu as déjà  entendu la sono des Equal Brothers, tout est en pavillonnaire et sa sonne ultra rond, ultra roots.
Et tu vas jouer la même chanson sur une sono genre OBF ou Dawa Hifi qui ont des aigues qui te pètent les oreilles (rires), c’est un peu plus sec. Et du coup effectivement, par exemple Salomon héritage, il a une sono qui est bien je trouve, qui joue bien roots, qui a un son assez rond..
Du coup c’est cette recherche la, quand tu modifie des choses, c’est que tu penses que ça descend pas assez dans les infra, que ceci, cela… Parce que toi tu as l’habitude de jouer plus du gros stepper hardcore que ça tape du côté du gros kick, donc tu vas mettre des HD15 ou je ne sais pas quoi. Ou tu as des gros saladiers la, des 38 en bas medium, ça fait un kick un peu mou du coup t’aime bien parce que tu vas jouer plus du roots.

Chacun a ce grain sonore qui correspond finalement, un petit peu, à ce que tu joues derrière. Même si, je ne dis pas que Blackboard joue pas du gros stepper bourrin aussi, ils en jouent, mais ils vont être quand même plus roots…  OBF aussi vont jouer du roots, mais leur sono est quand même plus adapté a bien rendre la musique qu’ils jouent.

Après t’as des sounds sytems, je ne sais pas trop qui, mais il y en a probablement, mais qui joue peut-être pas que du reggae, qui ont besoin d’une sono plus polyvalente, et voilà, du coup en fonction de ce qu’ils jouent essaye d’avoir un grain sonore.
Apres tu essayes que ça sonne le mieux possible pour ce que tu joues en majorité.
Voilà, après l’identité de ton son, je crois que le fait que tu sois rasta ou pas rasta sa imprime pas mal de choses sur le sound. Même si on joue tous de la musique reggae ou ça dis « Jah rastafari » dans les dub plate, c’est des prières et tout, moi ça ne me dérange absolument pas du moment que le message reste positif et que ce n’est pas des ayatollah. Mais bon, donc ça, pour les sounds qui sont rasta, c’est une partie assez importante de leur identité.

Après il y a aussi l’identité que tu te construis en fonction de ce que joue, à la fois en terme de sélections, dans la majorité de ce que tu joues ; et aussi et surtout dans les dub plates que tu as. Donc par dub plate j’entends à la fois des prods que tu fais, même si tous les sounds ne produisent pas, il y a quand même une grosse partie qui font leur propre son. Ou qui essayent tu vois, il évolue, il est en train de se construire.  Nous nos prods qu’on faisait il y a 3 ans et celles qu’on fait aujourd’hui elles ont rien à voir. Il y a une évolution, et tu vois, on est encore en train de chercher notre style. On fait du digital, on fait du machin du truc. Je pense qu’on continuera toujours à faire un peu de tout.

Et aussi, quand tu ne produis pas, et puis même quand tu produis tu ne peux pas jouer que des trucs à toi – enfin tu peux mais bon… Mais les collaborations que fais. Je sais que moi par exemple j’ai quelques dub makers qui font partie des artiste que je soutiens et qui sont mes potes aussi et que je vais beaucoup jouer, et ça ça définis un peu ton son aussi.
On va dire, OBF ils vont jouer du Iration, du TiT, du Iron Dubz…  enfin voilà, leurs potes qui jouent aussi, et du coup ça défini un peu leur identité. Ils jouent du OBF, mais ils vont jouer du TiT après. C’est diffèrent mais ça reste de la grosse basse, du truc qui tape.
Blackboard, et bien ils sortent des trucs avec Rockers Disciples, un vrai groupe, ils ont des trucs plus roots ou dub anglais, un peu moins technoïde on va dire.
Et donc, voilà, même si tu ne produis pas, je pense que ton identité sonore elle est lié aux chanteurs que tu fais venir dans tes sessions, et aux dub makers qui te font tes dub plates, et aux collaborations que tu fais.

Moi souvent, quand je fais des dub plates Welders Hifi soit je file un riddim qui est à nous, soit j’ai un riddim d’un pote, de TiT ou je sais qui, j’ai un autre pote chanteur Ras Mykha par exemple. Je dis « tiens Mykha, ce riddim de TiT je l’aime bien,  je pense que tu pourrais faire un bon truc dessus » et je lui demande de faire un spécial pour moi, et t’essaye même de créer quelque chose de nouveau. Parce que ces deux personnes ça se trouves ils auraient jamais rien fait ensemble si je n’étais pas au milieux, peut être ça aurait été fait dans 10 ans.
Du coup voilà, j’essaye de faire ça, et cette superposition à la fois de chanteurs, dub makers, ou de choses que tu fais, ça crée un peu ton identité.

D’accord…  t’aborde des points qui ont pas été abordés avant, c’est cool.

Nan mais pour moi, si c’est juste empiler des caissons  et les brancher, et jouer les vinyles… Enfin je veux dire, un mec quand il t’invite à jouer, en Italie par exemple. Il invite les Welders sound system à jouer en Italie. Si c’est pour que j’aille passer les même releases de Vibronics que tous les italiens ils ont. Bon c’est cool… si t’a des gros collectors et que sa fait 50 ans que t’es dans le milieu, pourquoi pas.. Mais voilà, pour moi il me semble que l’identité d’un sound system ça se base pas mal sur les dubplates.

Mais du coup, si par exemple toi, quand vous avez été jouer en Italie, ou si vous jouez sur la sono de quelqu’un d’autre, est ce que votre identité elle est transposée sur cette sono ?

Sur la sono de l’autre ? Bin des fois t’a des surprises mec (rires)
Ça rend pas du tout pareil, t’as des tunes presque tu les reconnais pas. Et puis t’a des sonos, putain, pour les driver pour que ça sonne… Bon après c’est que nous on n’a pas l’expérience de jouer sur énormément de sonos. On a testé un peu tous les types de pré-amplis, mais une fois. Aba Shanti il arrive, que ça soit un Irad, un Jored.. Il sait comment ça marche, il sait comment il veut faire sonner son truc.

Il parait que les gros sons anglais, Aba et compagnie, il y a dub plates qu’ils ne jouent que sur leur son. Parce qu’ils savent que ça va bien sonner, ou ils ne veulent pas prendre le risque que ça sonne mal.

Mais nous en Italie, putain. Notamment quand on y est allé. Bon on est allé une fois avec notre sono, et une fois on a joué à Rome sur la sono des autres. Et il y des trucs, t’es la « pfouu ok, ça sonne PAS du tout du tout pareil » (rires).
Donc ouai, c’est à ces moments-là que ça te permet de prendre du recul sur ta sono. De te dire tiens ma prod sonne bien sur ma sono, ou elle sonne mieux sur la sienne. Et après si un jour tu veux sortir un truc en vinyle et il faut que ça sonne sur un peu toutes les sonos, c’est bien de la tester ailleurs. C’est pour ça qu’on envoie les pré-release à un peu tout le monde pour les mecs ils les jouent et qu’ils nous disent.

Et est-ce que la manière dont vous montez les sonos et comment vous organisez les danses ça change en fonction d’où vous jouez ? Que ça soit intérieur, extérieur ou dans différentes salles.

Alors déjà il faut trouver les salles (rires). Les endroits où tu peux.
Alors maintenant je suis spécialisé dans le ‘trouvage’ de salles, à force d’avoir fait des dizaines de salles différentes.
ouai ça change pas mal. Apres, bon il y a plusieurs choses.
Quand nous on organise nous-même, notre fond de commerce c’est les salles du genre mariages, les salles privés. Donc on essaye de trouver des trucs loin de toute vie habité. Des zones industrielles ou alors en campagne.

Déjà ça ce n’est pas évident, il faut que vérifie sur les photos aériennes, tu te payes une, deux, trois salles, t’a 50 salles. Le truc ça ressemble à un château, tu fais « nan laisse tomber ». Il faut trouver un truc un peu pérave, mais pas trop, pas trop cher, un peu accessible ou tu peux faire péter et ça va pas s’effondrer. Parce que des fois t’arrive dans des salles ça vibre, tu peux rien faire, t’es dégouté, t’a pourris ta soirée. Sauf que tu ne peux pas le savoir, tant que t’a pas monté ta sono et que tu n’as pas mis du 30Htz, tu ne sais pas.
Après une fois que tu l’as trouvé, de toute façon on va dire le but c’est de jouer face à sa sono. Il n’y a pas de retour, le retour c’est ton son.

Donc ça c’est déjà assez difficile à faire comprendre au mec quand tu vas jouer dans des salles style l’Akwaba. Les mecs, quand tu arrives et que tu dis on veut avoir le son en face de nous, ils sont là « mais nan, coupe le en deux déjà ». Alors toi tu es la « non un seul mur c’est mieux, ça descend plus bas en fréquence etc.. » il faut leur expliquer alors que les mecs ils sont régisseurs depuis je ne sais pas combien d’années, alors ils sont sur d’avoir raison. Tu essayes de déconstruire pour reconstruire, parce qu’eux ils font que des concerts, qui est un mode de consommation de musique européen, machin. Et nous on fait du sound system qui est un mode de consommation de musique jamaïcain à l’origine, et qui s’est étendu à la teuf. Mais à l’origine c’est un peu le concert des pauvres. Tu peux avoir Burning Spear, tous les groupes de musiques qui vont jouer pour toi dans une seul soirée, et ça ne t’aura couté rien du tout, ou moins de 10e en tout cas.

Donc là les salles, elles ont un peu du mal à comprendre qu’on ne met pas de retour, et qu’on joue sono face, tu vois.  Ca les perturbe les gars (rires). C’est-à-dire que en fait, nous on se met en général à l’endroit où il y a la scène, donc on fait démonter la scène, ou on se met devant. Et puis on met le son au bout de la salle qui tape du coup à l’inverse de ce qu’ils ont l’habitude d’entendre. Donc ça les perturbe, je te promets. Les premières à l’Akwaba, on s’est battu et tout. On a été obligé de couper le stack en 2 parce que les gars ils ne voulaient pas. Bon un jour, un a dit, « bon alors maintenant on en a fait 2, ça a marché. Nous on sait comment ça marche, donc ça va être un mur et un va le mettre la. Laisse nous faire une fois, s’il te plait ». On l’a fait, et à la fin, ils ont tous dis « putain, trop bien, c’était vachement mieux que d’habitude ».

Donc voilà, mais ça nous a pris trois dates, donc environ 1 ans, juste pour avoir la configuration sound system. Bon après tu peux couper en 2 mais il faut qu’il y ait au moins trois scoops par stack. Sinon ça vaut pas le coup au niveau de l’infra que tu peux avoir.
Donc il y a toujours cette histoire là – régis, sound system en face. Alors des fois il est un peu décalé, mais il en gros tu n’as pas de retour.

Après, dans l’organisation de l’espace, ça dépend. Nous en gros on arrive dans la salle, et on passe une demi-heure à discuter d’où on va mettre les trucs, on change trois  fois d’avis. Même si on avait déjà réfléchis avant, qu’on avait passé une soirée à boire des bières à en discuter. Au final quand on arrive sur place, ça nous arrive souvent de tous changer. Ca nous arrive même de faire les essais, de s’arrêter et de faire « non, on le rapproche de un mètre parce que ça tape pas assez à l’endroit où on est ».
Parce qu’il faut que tu puisses, là où tu es, avoir un son, ou du moins des repères. Tu vois au début quand on fait des réglages on va au milieu à peu près de la foule et on essaye d’avoir des repères. Moi quand j’entends ça à la régis, ça veut dire que le mec qui est au milieu de la foule il entend ça, parce que des fois ça peut faire mal aux oreilles alors que nous ça nous fait rien.

Après il y a toujours le petit bar, qui en général, mais ça c’est surtout faute de mieux, est intégré dans le même espace de danse que le sound system. On essaye de l’isoler un peu du son quand même, pour que les mecs au bar entendent le son mais ne se mangent pas à plein pot le truc. Après dans les salles ou il y a le bar un peu exclu du son, ou complètement dans une autre salle, je trouve ça  un peu dommage aussi. Ne serai-ce que pour les bénévoles.

Donc après en termes de visuel, en termes de lumière, j’aime bien quand les gens ne se voient pas. Enfin, ne se voient pas, que ça reste dans la pénombre. On met deux points de lumière, enfin je dis ça, mais on se bat avec l’Akwaba aussi pour ça. Le mec des fois ils mettent des trucs on dirait que c’est une boite de nuit. Donc on met une lumière là où il y a les mecs qui chante, ou il y a là son qui est produit, et une lumière là où le son est diffusé. Et au milieu je préfère que ça reste  relativement sombre, ou qu’en tout cas à 5 mètres tu ne vois pas trop – quand les gens sont cote à cote quand même ils se voient. Et je m’aperçois que notamment pour le début de la danse, après quand il y a du monde ils s’en foutent, mais pour le début, ça crée plus rapidement une ambiance de danse, les gens ne se regardent pas les uns les autres, donc ils n’ont pas honte d’y aller ou d’être tout seul parce que de toute façon t’es dans le noir. Le gens te voit mais ils ne voient pas qui t’es, et toi tu ne les vois pas, donc tu n’as pas l’impression d’être observé.

Et du coup c’est quelque chose qui est un peu particulier, parce que finalement dans le sound system, même si les gens regardent un peu le mec qui fait du son, qui chante ou la sono, ils ont quand même moins de points de fixation visuels que dans un concert ou tout le monde regarde le concert, à la limite le mec qui dans à coté de toi tu t’en fout si il danse comme un singe. Il y a moins ce côté ou les gens entre eux se regardent. En  sound system, il n’y a que du son, du coup j’essaye de concentrer les gens là-dessus, de faire deux endroits, et le reste pas de lumière. En général c’est lumière indirecte fixe, par exemple un lumière derrière le stack donc ça crée cette ambiance-là, plus propice pour moi en tout cas, plus propice à la danse, et surtout des danses un peu méditative. Quand j’arrive dans une salle de sound system, que tu reçois des déferlantes de basses, il fait un peu sombre, tu sens un peu de weed mais tu ne vois pas vraiment, et tu vois juste une lumière ultra violent avec Pupajim ou Soom t en dessous. C’est le truc, tu rentres et t’es dans le jus direct.

Aussi le fait de ne pas voir les gens fait que du coup il n’y a que le son, tu es dans la musique.

Ouai t’es concentré sur ton truc. C’est vrai, il n’y a pas comme ils font dans les sound system de teuf des lasers et tout. Il y en a qui le font un peu, mais nous non. Apres ça c’est mon opinion perso, il y a des mecs qui font des super déco. Apres nous aussi de temps en temps on fait un peu des déco, mais ça sera plus sur le bar, ou la régis. Mais l’endroit de danse reste assez sombre.

Vous avez quand joué dans des endroits… on va dire un peu bizarre pour des sonos. Par exemple la session à la Fou d’Allos sur les piste, ou à la fête du panier en dessous de la cathédrale de la major, qui n’est pas un endroit où tu mettrais une sono d’habitude. Est-ce que ça change des autres soirées ?

Moi j’aime bien, franchement. Je me souviens à Paris j’étais sur des sessions sound system sur une péniche. Et rien que le fait que ça soit sur une péniche je suis sûr que tu gagnes 100 bonhommes. Quand tu vas jouer dans une station de ski, rien que le fait que tu aies posé ta sono sur la neige les gens ils sont la « oua top cool ». J’en parlais hier avec Lilou des Iskankers, et elle me disait « putain vous avez toujours des méchants spots », presque on pourrait faire comme dans Amélie poulain, ou t’as le petit nain qui voyage. On pourrait faire le sound system à la mer, le sound system à la montagne. (rires).

Mais ouai, j’aime bien ce côté, le cadre en fait dans lequel tu poses ton son, même si finalement tu fais toujours le même sound system. Effectivement le fait d’aller dans des endroits un peu atypiques c’est sympa. Déjà pour le public ça crée un peu une espèce de petite nouveauté. Les sessions en plein air finalement même si on est dans le sud il n’y a pas tant de monde qui en fait. Donc ça crée… je ne sais pas… ça crée une petite ambiance festive, un peu décalée. Mais d’ailleurs, c’est quelque chose que j’aimerais plus développer, enfin là il faudrait collaborer avec des collectivités, mais de jouer dans des lieux qui ont un passé, un peu comme la Major ou j’en sais rien, la fondation Vasarely.

Des lieux qu’on n’assimilerait pas forcément avec des concerts ?

Oui voilà. Par exemple d’aller jouer devant le Palais des Papes tu vois ? moi ça me plairait bien, ou sur le pont d’Avignon, ou des trucs comme ça. Après ‘faut quand même réussir à justifier ton truc, parce que les collectivités vont avoir peur que tu leur esquinte tout. Mais effectivement, c’est vrai que le cadre global, le paysage devant lequel tu joues ça met une autre ambiance. Quand tu joues à la montagne ou au ski… Mais même tu ne joues pas les mêmes choses. Quand tu joues à la plage ou quoi, ça change.

Donc l’endroit où tu joues influence quand même ce que tu joues.

Ouai, moi ça change mon état d’esprit. Nous ça nous ai jamais trop arrivé parce qu’on a toujours des problèmes et on se fait virer de nos salles, mais d’un côté c’est bien d’avoir des résidences, un lieux que tu connais parce que tu sais comment ta sono elle sonne, tu sais comment ça fonctionne. Même quand on joue plusieurs fois dans des salles, on a testé toutes les configurations possible. On avait une petite salle, le graffiti à Avignon. Et bien là-bas on a testé un mur, 2 murs de 2, un mur de 3, 4 murs de 2 en invitant des gars, ou 2 murs de 3… enfin on a tout testé. Et à chaque fois tu essayes d’organiser ta danse différemment « ah non là il y avait trop de lumière, la prochaine fois on en mettra moins. » « là il y avait les chiottes tout le monde passait devant la régi »… Donc petit à petit tu trouves ton organisation final, c’est vrai que de changer tout le temps c’est chiant.

Après les lieux en plein air, il y a pas cette histoire de comment ça sonne, comment ça sonne pas, parce que tu sais que si tu te mets à 12 pas de ton sound, c’est bon. Nous a calculé notre distance. Mais ça crée un petit truc à la fois pour les gens, parce que eux c’est un peu sympa d’avoir un truc sur une péniche ou quoi. Et puis pour toi aussi, ça te permet de ne pas tourner en rond.

Mais est-ce que tu arrives toujours à avoir la même ambiance, par exemple à la major ou au ski, que par exemple si tu jouais dans des coin plus normaux ?

Ca dépend pas du lieu je dirais, ça dépend plus de qui viens, et qui viens pas. Quand tu joues dans une salle et que tu fais un truc… Ouai en fait ça ne dépend pas du lieu. Ca dépend du publique qui viens.

C’est-à-dire que quand, par exemple, on va jouer à l’Akwaba, on va peut-être avoir des mecs de l’Akwaba qui vienne et qui n’ont jamais vu de sound system reggae, ou quand on joue à la major.
Alors que quand tu joues dans une salle ou c’est toi qui la loue et qui organise un truc perdu et il y a vingt pingouins, t’es sur que tous les mecs qui sont là ils ne sont pas là par hasard. Donc c’est vrai que quand tu changes de lieu, ça te permet d’avoir des gens qui viennent peut être pour le lieu et qui viennent pas forcément pour le son et qui vont le découvrir.

Si tu arrives à faire ta com’ et à suffisamment mobiliser les gens… mais même avec des mecs qui sont pas du sound system, t’arrive à enflammer des danse. Mais ça c’est plus les gens qui créent cette ambiance, et toi si tu arrives à capter cette ambiance, ce que les gens aiment.

Et après des fois ils aiment bien mais tu ne le vois pas. Par exemple les italiens, c’est assez chelou les mecs. Ils ne gueulent pas comme ici. Après dans le nord (de l’Italie) je ne sais pas comment ils font, mais ici tu ‘pull up’ ça gueule et tout. Ils ont l’habitude, on a été élevé à la dub station. En Italie tu fais un pull up, t’a trois mecs qui gueulent tu ne sais pas trop si les gens ils sont content. Ils attendent… Bon… tu remets, et tout. Et à la fin des chansons, des bonnes tunes, ils applaudissent. Enfin moi j’ai rarement vu des mecs applaudir en sound system en France. C’est arrivé peut être quelque fois.

Un truc qui revient souvent c’est qu’en Italie ils sont souvent très conservateurs au niveau sound system.

En France il y a des puristes aussi, mais il y a peut-être plus de sons en France qui sont un peu tout-terrain qu’en Italie.
Mais du coup, c’est vrai que l’ambiance que tu crées. bon ça dépend du lieux. Nous quand on fait les sessions en plein air à Eguilles les gens ils viennent, ils sont chaud kash – parce que c’est la dernière en plein air, ou c’est un lieux qui fait que les gens sont bien. Ou quand on va faire nos sessions à la Fou d’Allos, pas sur les pistes de ski mais on joue aussi dans un bar. Le bar c’est la sortie du weekend end des saisonniers, t’inquiète ils viennent, c’est le faya ! Les gars ils ne sortent pas forcément en son, mais c’est des endroits peut être plus propice à la fête que d’autre.

Et après ça nous est arrivé… attend j’essaie de trouver un endroit où il y a pas forcément eu de vibes… mais même quand il y a eu peu de gens. Voilà, en plus ça ne dépend même pas du monde de gens. Je me souviens on avait fait une soirée à la montagne, on avait fait 70 payants, la salle on pouvait mettre 200. Mais les 70 ils étaient là du début à la fin, t’avait 30 gars qui dansaient, 30 gars qui buvaient, et c’était énorme. On en aurait eu 200 ça aurait été pareil.

Mais c’est vrai, des fois tu ne sais pas pourquoi. Des fois il y a une étincelle, des fois elle n’y est pas. Et je pense qu’avec l’expérience t’arrive à plus tirer ton épingle du jeu quand t’es pas dans des conditions très favorables de publique.

Donc du coup c’est l’interaction avec le publique qui influence énormément ? c’est la grosse différence entre un concert ou un DJ set, et une session sound system.

Bin déjà tout à l’heure on parlait d’identité. L’identité elle est aussi dans un peu le message que tu peux faire passer. Les rasta en font peut être passer d’avantage que nous, mais moi je vais quand même dire des trucs.

Et effectivement, au début il y a toujours un warm up. Assez souvent on fait faire des warm up à des petits jeunes. Mais en fait les warm up c’est super important. C’est ce qui fait que le mec qui est accoudé au bar en train de boire sa bière va venir devant boire sa bière en dansant. Et puis quand il aura fini il va commencer à lever les bras et voilà, tu vois. Et c’est vrai que si le warm up est pourri, et que jusqu’à minuit tu passes de la merde, tu ne parles pas aux gens etc… Moi j’en ai fait l’expérience, et d’ailleurs c’est pour ça que je me suis mis à parler, à chanter.

Au début je ne le faisais pas du tout et je ne suis pas spécialement. mais je m’y suis mis par défaut parce que personne ne le faisait. En plus quand tu parles et qu’il y a personne dans la danse, des fois et surtout au début, t’as un peu honte de dire des trucs, personne te répond. Mais tu vois tu passes la même chanson en disant rien. Ou tu ne mets pas la basse et puis tu l’envois, je veux dire les mecs quand t’envoie la basse personne à calculé. Alors que t’es là tu dis des trucs. En plus avec l’intonation avec laquelle tu le dis. Apres bon c’est la fin de la soirée, que t’es un peu déboité, bon. Mais quand t’as la patate, et que tu parles aux gens, voilà quoi.

Il y a eu une session d’After All ou c’était assez flagrant, avec Marina P et Steppa Style. Marina elle arrive, elle te parle, elle te fait des blagues. En plus tu sens que quand elle te parle elle a la pèche. Bon il n’y avait pas énormément de monde à la soirée, mais pendant qu’elle jouait, tout le monde dansait. Il y a eu Steppa Style après, qui lui du coup parlait qu’en anglais. Mais même si le mec il te parle qu’en anglais qu’il met le ton et la pèche, c’est entraînant. Lui il est arrivé après, artistiquement c’était pas moins bien, mais il n’a pas réussi à mettre la vibes. Et du coup les gens sont un peu sortis, allés boire un verre.

Mais c’est vrai que c’est un exercice assez dure, qui demande de l’expérience. De construire ta danse, de faire rentrer les mecs dans la danse en leur mettant peut être une tune qu’ils connaissent, un truc un peu grand publique. Puis les gens se reconnaissent là-dedans, et la tu les amène dans la danse, ils commencent à danser. Et une fois qu’ils sont dedans tu peux leur passer des trucs un peu plus obscurs.

Et ça c’est d’autant plus vrai quand t’es avec un public de mecs qui sont pas vraiment habitués quand tu te payes un truc genre fête de la musique. Alors  c’est rigolo parce que si les mecs ils ne connaissent pas, ils viennent te dire »allé vas-y, pourquoi vous avez qu’une platine, pourquoi vous parlez ? Arrêtez de parler… » parce qu’ils ont l’habitude des DJ qui enchaînent.  Mais c’est pas ça un sound system, c’est tout ce qu’on  a dit jusqu’à présent. Un gars qui chante, un gars qui parle…etc.
Donc c’est vrai que l’ambiance qui se met dans la danse, et que les gens ils occupent cet espace entre la sono et la régis, elle dépend vachement de la musique que tu passes mais surtout vis-à-vis des non-avertis, de ce que tu vas leur dire pour les amener à venir danser au milieu devant toi. Les interpeller un peu.

Je regardais une interview d’Aba Shanti il y a quelques jours, et à un moment il parle de ce qui faisait que le dub et le reggae, cette musique qui fait que tout le monde puisse danser, tout le monde est content. En ton opinion, qu’est-ce que cette musique a de spécial ?

Déjà je pense qu’il y  a que c’est des soirée reggae et qui sont quand même issues d’une tradition tolérante. Enfin tolérante, c’est ouvert quoi. Tu peux arriver en teuffeur avec des piercings de partout ou en costume trois pièces, ou en berger miteux (rires) tu rentres quand même dans la danse. Alors que tu  vas en boite nan, c’est select. Après dans les concert c’est à peu près aussi ouvert. Donc déjà il y a cette liberté de venir un peu comme tu veux, qui permet que ça soit une grosse fête, parce que tu n’es pas jugé.

Après, je ne sais pas, les mecs qui jouent il y en a c’est pro, mais on est quand même sur une scène quand même beaucoup amateur, en France. Ou semi-pro, mais les sound system qui vivent de leur sound system, en France, je pense qu’il y a Salomon Héritage, Lion Roots, et encore je pense qu’il a d’autres revenus, Blackboard, OBF et… peut-être Legal Shot et encore.

Les autres ils ont tous un boulot. Jah Militant il fait des fruits et légumes, on va pas tous les citer mais voilà. Donc déjà les mecs qui font le son c’est leur petit plaisir. Déjà eux ils viennent pour faire la fête – enfin, tu ne viens pas pour t’emmerder, si ça te fais chier, tu ne fais pas les sessions. Le mecs qui fait le son déjà il vient pour faire la fête, donc il essaye de transmettre un peu ça aux gens qui sont là. Il y a des mecs qui sont sérieux etc., mais moi je considère plus le sound system comme un endroit de divertissement. Tu fais un peu des blagues, c’est assez issu de la tradition jamaïcaine. Les DJ qui font un peu des blagues, qui parlent de la vie de tous les jours. T’es pas obligé de toujours parler de la faim dans le monde, tu peux aussi faire une petite chanson « i’ve got mushroom and cheese in my dancing shoes » (rires).

Un peu faire oublier au gens leur semaine de merde.

Exactement. En plus c’est relativement accessible en termes de sous. EN plus l’anonymat que tu as dans le noir, comme on en parlait tout à l’heure, c’est aussi propice à se lâcher complètement. Tu t’en fous, personne ne te regarde. Les gens ne peuvent pas te voir même s’ils te regardent. Donc voilà, c’est la même chose que ce qu’il se passe dans les teufs, sauf que les mecs ils s’aident avec beaucoup de produits.

Donc voilà, c’est cette ambiance de fête. J’imagine, après je ne suis pas très versé dans les autres trucs, mais il y a peut-être des ambiances dans sounds systems dancehall ou dans des soirées rap ou clash, qui sont un peu plus agressives.

Mais globalement, en tout cas dans la scène sound system dub, on est plus dans une optique : on profite de notre soirée le samedi, on est là pour écouter de la musique. Après il y a un petit message aussi, mais les deux ne s’opposent pas. Les gars qui sont la « non il faut rester sur du roots, du truc sérieux ». Qui disent Jah rastafari tout le temps, tout le temps. C’est bien, faites passer votre message, mais fait une petite blague de temps en temps. Tu peux déconner en sound system. Au contraire, tu fais une petite moquette, tu dis « hop, petite moquette, excusez-nous » hop, tu rigole un coup au micro, et puis c’est repartis. Des fois je me marre, je dis des trucs, je fais du yaourt français-anglais. Du coup tu fais « bon les gars ça voulait rien dire, vas-y on envoie le son ». Pour le warm up sa marche pas mal de faire des petites blagues aussi, tu fais « oh vous les trois du fond là-bas c’est bon, après la troisième bière vous venez danser ».

De manière plus large. Le sound system à la base c’était jamaïcain, après c’est passé en Angleterre dans les années 80-2000. Et depuis 2000, c’est passé en Europe on va dire continentale. Est-ce que tu as une idée pourquoi sa c’est passé ?

Moi je pense que les teufs technos elles y sont pour beaucoup en France, et même en Italie. Parce que c’est quand même des gros teuffeurs en Italie. Et puis la ça commence à gagner l’Europe de l’est. Je pense que cette base la joue beaucoup. Je connais beaucoup de gens qui vont en sound system aujourd’hui, il y a dix ans ils n’y auraient pas mis les pieds et c’est des anciens teuffeurs. Ils continuent à aller un peu en teuf, mais ils se sont un peu calmés, ils ont des gamins… Et puis c’est une musique un peu plus calme. Du coup je pense qu’eux ils viennent pour le coté sound system, mur de son. Donc ils retrouvent certains codes en fait, qui viennent du sound system techno qui vient du sound system. Tu vois, sa fait une sorte de boucle. Et je pense que ça a attaqué l’Europe continentale plus par là.

Après dans les années 2000 on a eu plein de petits groupes de reggae français, qui ont contribués à populariser le reggae en France. Les gros festivals reggae français, Sun ska, jamaican sunrise, Garance, ou Jah ‘Sound ça fait quand même une dizaine d’années que ça existe mais c’est arrivé un peu tout en même temps.

Je saurais pas dire, parce que le reggae à l’origine c’est un peu la musique des opprimés etc. On n’est pas trop des opprimés en Europe, on est plutôt privilégié. Mais on a quand même des choses à revendiquer, et ça fait partie d’une alternative – on n’est pas non plus des gros anar’ – mais il y a ce côté un peu underground.  Enfin qui l’est peut-être moins maintenant, mais bon ça le reste puisqu’on n’arrive pas à trouver de salles pour faire nos trucs, à la télé tu ne vois pas des reportages dessus.
Mais ouai, comme nous on allait en teuf quand j’avais 16 ans, et bin je pense que pour les jeunes aujourd’hui, la teuf ça a un peu perdu son charme – pourquoi je ne sais pas, ça s’est peut-être un peu trop popularisé, trop médiatisé. Et du coup le sound system qui reste le truc un peu underground sa attire un peu les jeunes. Tu vois, d’avoir un truc underground mais qui reste un petit peu plus cadré qu’une teuf ou c’est l’anarchie.

Nous il y a des parent qui nous amènent leur gamin et qui les récupèrent à la fin. Bon voilà, il a 16 ans il peut boire de la bière, c’est bon. Tu vois, ils n’auraient pas fait ça pour une rave party.
C’est pseudo-officiel, mais ça joue sur l’underground aussi parce que ce n’est pas super médiatisé… Voilà. En tout cas ce n’est pas grâce aux médias que c’est comme ça. Ça c’est fait par les activistes. Je pense que les dub station aussi, en tout cas en France, ils ont beaucoup beaucoup contribué. Enfin les dub stations et les autres gars qui ont fait ça en même temps. Les gars qui ont fait les dub clubs à Toulouse, et autre part. Après sur les autres pays je ne sais pas. Mais tu vois ils ont un petit peu plus de retard –enfin de retard – ils ont moins  de sounds systems en Italie, en Espagne. Mais ils sont là ou on en était il y a 4 ou 5 ans je pense.

En Jamaïque et en Angleterre, les sonos elles sont venue des opprimé, des ‘sufferah’. En Angleterre c’est lié au racisme, aux problèmes sociaux… Et en France tu te demandes ou est le lien du coup. En France c’est en majorité des blancs, plutôt classes moyennes qui en construisent.

Ouai en France c’est pas ruff. Si ça venait des quartiers défavorisé sa serait dans les cités qu’ils feraient des sounds systems. Mais ce n’est pas du tout le cas.

Je veux dire tu regardes a Aix le nombre de sound system qu’il y a, Aix c’est plutôt une ville de riche entre guillemets. Mais je pense qu’il y a peut-être un côté… je veux dire dans les années 70, nos parents ils ont été hippies. Les hippies ce n’était pas forcément des mecs qui étaient dans la misère, mais c’était des mecs qui étaient éduqués, et qui croyaient à autres chose que ce qu’il se passe aujourd’hui. Et qui du coup revendiquaient en écoutant du rock, du rock psyché, je ne sais pas quoi. Mais ils étaient issus d’un milieu pas forcément défavorisé, mais ce n’est pas pour ça que tu n’as pas le droit de t’occuper des autres qui sont défavorisés. C’est nous qui créons le bordel aussi, en Afrique, Amérique du sud, qu’importe. Et du coup, ça fait peut être partie d’une espèce de, comment dire. Tu adhère à ce mouvement la parce que tu prends conscience que toi, ta culture occidentale aisée, c’est quelque chose qui n’est pas forcément un modèle, et qu’il y a des choses à changer. Et du coup tu t’identifies au reggae parce que le reggae porte des valeurs d’unité, de paix, de tolérance, et d’entre-aide.

Je veux dire nous ce qu’on essaye d’inculquer dans le reggae c’est qu’il faut être gentil avec ton prochain. C’est peut-être un message biblique mais je m’en fous. Alors que j’écoute des paroles de dancehall, et j’entends « tu me regarde mal je mets mon gun dans ta bouche » tu vois. En gros dans le milieu rap, dancehall, si tu veux être reconnue il faut que tu sois ‘méchant’, et dans le reggae, bin si tu veux être reconnue, il faut être gentil

Donc tu vois, c’est quelque chose d’autre dans lequel un certain nombre de gens se reconnaissent. Et je pense ça contribue au fait que les gens s’identifient à ça. Même si ça vient de Jamaïque, de milieux défavorisés, finalement ça reste quand même une musique qui est militante. Et t’as beau être sorti d’un beau quartier, c’est pas pour ça que ne t’a pas le droit de t’insurger contre les choses qui se passent autour de toi.

Et pour finir, quelles seraient pour toi les grosses différences entre les teufs et les sounds systems reggae ?

Bin déjà au niveau du son, le reggae est plus basé sur des choses mélodiques. D’ailleurs c’est peut-être pour ça qu’on joue à une seule platine. Parce que tu ne peux pas mixer 2 tunes de reggae. T’en a une en du, une en sol… En teuf t’a un tempo et c’est à peu près tout ce que tu dois caller. Donc c’est quand même à mon avis une grosse différence.

Moi aussi ce que j’aime bien c’est le mélange entre un instrument acoustique, un mélodica, un skank, un piano, et un côté un peu électronique. Alors que la teuf ça reste quasiment qu’électronique. Donc nous on a réussis à garder ça dans le mouvement dub. Même si certain comme OBF ne sont pas très acoustiques. Mais tu as quand même un chanteur, tu vois. Il y a quand même une prestation live – de création acoustique – que tu ne trouves pas forcément dans le milieu techno. Le mec il va peut-être créer un truc parce qu’il va tourner un bouton sur sa machine. Effectivement il va créer la musique s’il fait du live, mais cette création artistique est uniquement électronique.

Après bien sûr il y a l’histoire des drogues aussi. Bien que dans les sound systems il y a des mecs qui se mangent de tout. Mais c’est pas aussi ostentatoire. En teuf t’as des mecs avec des sacs d’ecstasy qui sont là à gueuler « ecstasy, ecstasy ! ». Il y a un gars qui fait ça dans ma danse je le fous dehors limite j’appelle les flics. Donc il y a ce côté-là qui est rejette la drogue – donc le publique n’est pas le même.

Il y a l’aspect – enfin les teufeurs aussi parce qu’on les emmerde trop – mais nous on est quand même plus respectueux de la loi… Parce qu’on n’a pas envie de se faire piquer le sound system. Même si on fait des trucs à la limite de la légalité en permanence. Mais c’est vrai que les teufs c’est souvent…  Il y a les vieux teufeurs en général, les mecs ils nettoient le site après, ils ne font pas n’importe quoi… mais globalement une teuf c’est quand même moins contrôlé, c’est sur donation à l’entrée, nous il y a un prix fixe… c’est un peu plus l’anarchie souvent. Mais bon ils y tiennent, c’est bien aussi d’un côté.

Après nous on accorde aussi, beaucoup plus que les teufeurs, c’est un peu une dominance dans les sound systems et les teufeurs moins. Les teufeurs en gros ils veulent le plus de kilowatts possible. Nous on s’en branle des kilowatts. Tu ne le dis même pas le nombre de kilo qu’elle a ta sono. Nous ça nous est arrivé de le mettre, mais plus comme message à destination des teufeurs. Mais quand tu parles d’une sono à un gars. Alors déjà le mec il me demande combien j’ai de kilowatts sur ma sono, je sais que c’est pas des mecs du milieu. Le mec qui veux me demander ce que c’est ma sono en reggae, il va me parler du nombre de scoops que j’ai, c’est un peu l’unité de base. En gros combien de basses tu as, 4 basses, 6 basses… Et du coup il y a un réel souci de la qualité sonore.

Tu vois la sono de Blackboard, ça sonne ultra clean. Le mec il te met 24 scoops, tu as quand même un rendu sonore pour la puissance de son qu’il y a qui est impressionnant.  Alors que les teufeurs souvent ils empilent un peu les caissons, les trucs ils sont déphasés, du coup ils ont tant de kilowatts, mais les trucs ils s’annulent. Eux ils veulent que du gros kick. Le fait qu’ils fassent que de la musique électronique et pas de mélodie ça leur permet peut-être de faire plus ça. Alors que nous si on commence à faire ça, tu vas plus entendre telle fréquence, tu vas plus entendre la voix. Donc la musique qu’on joue nous oblige à mettre la qualité de la diffusion sonore dans les préoccupations principales. Alors qu’en techno, c’est moins le cas.

Après, je ne sais pas si les massives qui viennent dans les sons ils aient cette approche là, mais je pense qu’ils sont quand même capable de voir si une sono elle marche bien ou pas.  Autant dans la teuf t’entend un gros kick, ça fait danser parce que de toute façon tu trottine sur la basse rapide. Il y a des synthés et tout mais si tu les entends pas ce n’est pas très grave. Alors que dans le reggae,  et notamment on parlait des dubplates et comment tu construis ta danse. Et bien je suis allé il y a pas longtemps à une soirée sur une sono dont je tairai le nom, ou ça sonnait pas bien, et bin les gens, ça ne les enveloppais pas, ils n’arrivaient pas à transmettre la vibes. Alors que c’était des bons artistes dessus, mais il y avait pas cette fusion du gars avec le sound system. Et du coup pour que ta danse elle marche bien, il faut que tu ais un bon rendu sonore pour pouvoir bien transmettre ta vibe.
Et ça je pense que c’est quand même une différence assez importante.

Interview After All Sound System

“Si t’abandonne le vinyle en tant que sound system reggae, tous les morceaux qui disent ‘burn babylon’ tu peux les oublier, parce que tu as fait le premier truc que Babylon t’a dit de faire : abandonner le vinyle et acheter du mp3.”

Autour d’un verre dans son jardin à Pélissanne, interview avec Benoit du After All sound system. Discussion sur la scène sound system actuelle, son évolution, son futur, ainsi que sa relation avec les free et les raves.
(Longue interview)

(Sur le sujet des free parties)

Même si je reste beaucoup moins dedans, la dernière s’est très mal passée, j’y reviendrais toujours. Même si un peu différemment, un peu plus légalement ou un peu mieux organisé, mais j’y reviendrais toujours. Parce que tu ne m’enlèveras pas l’idée que lorsque tu fais une free, tu as une ambiance que tu n’auras jamais ailleurs.

Le fait, pourquoi je continue à faire de la free, et pas me centrer que sur les festivals ou les soirées en salle, c’est parce que tu ne m’enlèvera pas l’idée que de faire bouger 500, 600, 700, 1000 ou 6000 personnes, sur un coup de fil ou sur un simple texto, c’est magique.
Ce retrouver sur un simple coup de fil, sur un simple texto dans un endroit perdu dans la nature ou à l’origine il n’y a rien ni eau ni électricité et là d’un coup il y a de la musique, à boire et à manger, c’est vraiment magique. Et il n’y que la free party pour apporter ça.

Comme pour créer un endroit, un monde complètement diffèrent ?

Pour créer un truc… comment ils appellent ça déjà ? Intemporel ? ça y était pas, ça y est, ça y est plus.

Une zone autonome temporaire ?

Voilà, comme ils appelaient ça a la grande époque, mais qui existe plus vraiment, vu que maintenant, en free, on a perdu un truc, et c’est l’autonomie.
C’est-à-dire que la free, et d’ailleurs comme pour le milieu Sound system reggae, elle a été victime de son succès début des années 2000. Je pense que le milieu Sound system reggae n’est pas loin d’être victime de son succès aussi. On verra d’ici 4 ou 5 ans si je me trompe ou pas.

Ça commence à être un peu le grand n’importe quoi, notamment les 24 scoops de Blackboard Jungle. Pour moi ça c’est le début de la fin.
Moi dans cette ambiance-là… on est un milieu à musique amplifié, et on commence à entendre beaucoup d’organisateurs de Sound reggae, que ça soit en extérieur, intérieur, salle, festival, ou autre… dire qu’ils sont de plus en plus catalogué.
C’est-à-dire quand on va démarcher un endroit, même si c’est avec un Sound system reggae, quand tu annonces « Sound system », « enceintes », « platines », les gens pensent directement à « rave », « pas bien », « du bruit ».

Déjà le coté Sound system il est catalogué « bruit ». Et à côté de ça tu en a qui arrivent avec 24 scoops… Il n’y a pas de lieux approprié pour nous accueillir. On est victime de ce problème-là. On n’a pas assez de lieux capables de nous accueillir pour organiser des soirées légales, safe, etc. Qui soient pas ‘free’ ou trop underground.
On a ce problème la, et tous veulent pourtant avoir le plus gros Sound system, le plus d’enceintes alors que déjà sortir 2 scoops c’est la misère.
C’est pour ça que moi j’ai énormément de respect pour Stef’, du Lion Roots Sound. Il m’a vendu du très bon matos, des anciens scoops a lui. Quand je lui ai demandé pourquoi il vendait son matos, il m’a répondu « j’ai 12 scoops, je les ai sortis une fois en 2 ans. D’en sortir 10, sa m’arrive probablement une fois aussi tous les 2 ans. Quand j’en sors 8, on me prend pour un fous, on veut plus m’inviter. Je vois pas pourquoi je vais en garder 4 alors qu’ils vont rester dans mon garage ». Et à 4 scoops, il sait que je ferais pas top de concurrence.
Et puis même, la différence, et ce qui fait la concurrence entre Sound, ce n’est pas le nombre de scoops, la puissance de la sono, c’est le lieu.
Trouve le bon lieu, ou tu es en place pour faire tes soirées, et si ce lieu il accepte 10 scoops, 12 scoops ou 24 scoops, fais tes 24 scoops. Si tu as un lieu pour sortir tes scoops, alors dans ce cas fait-le. Mais faire 24 scoops juste pour pouvoir dire qu’on est la plus grosse sono de France, je trouve ça un peu dommage. Ils en avaient 12, c’était largement assez pour leurs soirées, même pour sonoriser le garance.
Invite des sonos qui viennent du fin fonds de je ne sais pas où, que personne ne connait. Rencontre, échange, fais quelque chose d’innovant, au lieu de se concentrer sur le nombre de scoops.

C’est de la que je veux dire que le milieu dub commence à être victime de son succès, c’est que si tu regardes les progs, au plus ça va, au plus elles sont facile.
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai eu quelques débats avec les Musical Riot. Musical Riot sont à un niveau aujourd’hui phénoménal. Il n’y a personne en France, voir en Europe qui est à leur niveau.
Ils n’auraient pas monté le tribute et le Musical Riot, la culture reggae en France serait probablement dix pieds sous terre enterré sous les free parties.
Grace à ça, tous le reggae français s’est réveillé. Donc pour moi, quand tu es à ce niveau-là ; quand tu fais des dates au Trabendo et aux Docks des Suds à Marseille – qui sont probablement les 2 plus belles salles en France pour ce genre d’événement – quand tu fais des dub station au garance, au Rototom, au Outlook, à Lyon, au Portugal… Quand tu en est là, que tu viens de Marseille, tu es en place de chez en place… ça te coute quoi, à chaque dub station ou au moins une fois sur deux, d’inviter des petits sounds locaux, des nouveaux qui débutent pour faire la première partie, de faire le warm up… refuser sur le principe qu’ils ont pas assez d’expérience… non mais c’est parler comme un babylonien de base ! Si tu ne donnes pas la chance aux jeunes de se montrer, d’avoir de l’expérience, comment ils vont y arriver ?

Je ne critique pas les Dub Stations – c’est très bien. Ca fais bouger 800 personnes, ça a une belle programmation, ils font bouger de belles sonos. Je ne redis rien au concept de soirée. Simplement d’un point de vue extérieur, c’est une remarque que je me suis permis de faire.
Sound system en Jamaïque à la base c’est quoi. Un studio, un Sound system, et des nouveau tunes qui sortent venant des gens du quartier, du ghetto et on les diffuse. La base d’un Sound system pour moi, la base de la radio du peuple c’est de faire découvrir les nouveaux chanteurs, les nouveaux talents.

Le but c’est pas d’avoir une collection fermée de dublates. La collection de dubplates tu l’as parce que c’est toi qui les a découvert. Là-dessus je suis à 200% d’accord avec King Shiloh qui dit qu’il est pas d’accord avec le business des dubplates, même si j’ai payé pour quasiment toutes les miennes. Le dubplate normalement c’est un contacte. L’artiste kiffe ce que tu fais en tant que sono, toi tu kiffe ce qu’il fait en tant qu’artiste…

Ca reviens un peu sur que David Rodigan disait à propos des clashs : les vieux sounds ont des dubplates d’artistes légendaires, mais qui sont mort. Donc à partir de là un nouveau Sound qui rentre en clash contre eux n’a pas, et ne pourra jamais avoir le même ‘niveau’ de dubplate. Du coup ce que Rodigan proposait, c’est que dans les clashs et surtout ceux qui oppose un jeune sound à un sound plus âgé, ils ne peuvent passer que des dubplates d’artiste vivant, comme ça les jeunes, artiste et Sound, ont une chance. Il faut du nouveau

C’est ça ! Il faut du nouveau. Il ne faut bien sûr pas oublier les fondations, les roots, la base. Mais la base d’un sound c’est faire découvrir des nouveaux talents. On ne peut pas continuer à jouer les mêmes dubplates des même artiste, faire venir les même chanteur, même si ils cartonnent. Il y a un moment où il faut laisser la place au nouveau, ou même combiner les deux.
Quand j’ai fait la soirée avec Marina P et Steppa Style, qu’est-ce que j’aurais remplis juste avec Steppa Style. Peu de gens le connaissent, sauf ceux qui sont très pointu sur le cross over ragga-jungle. Du coup j’ai pas pu faire la soirée avec lui tout seul. Et encore, Marina P c’est encore trop pointu – pas assez hype. Mais c’est justement des talents neuf.

Depuis quand est-ce que tu opère dans le milieu reggae, et qu’est ce qui t’a poussé à rentrer dedans :

J’ai découvert le milieu Sound system et le milieu musical par la techno et par les free party, parce que j’avais un amis qui avait un Sound techno. Je m’y suis intéressé pas par la musique, j’aimais pas vraiment la techno, j’étais un gros fan de reggae. Je suis allé à ces fêtes plutôt pour l’esprit et l’ambiance qu’il y avait derrière qui m’a attiré.

De là, c’est bien beau d’aller à un évènement qui te plait mais bon. J’ai toujours envie d’y participer un peu, donc je trouvais mon compte dans le branchage des amplis et des enceintes, et j’ai appris avec des sounds techno, mais au bout d’un moment j’avais envie de faire de le musique moi-même. La musique techno c’est pas ma musique, je ne suis pas arrivé à en faire, et là j’ai découvert que le reggae existais aussi en vinyle, Et surtout, j’ai appris que le milieu sound system de la techno n’étais pas né de la techno, mais du reggae. Du coup je me suis intéressé, j’ai découvert des sound reggae. Il y a une dizaine d’année. J’ai acheté des vinyles, puis au petit matin je jouais du reggae sur la sono des potes en teuf. Et puis après on a monté notre propre truc en 2003.

Dix ans cette année du coup !

Et oui, dix ans ! Rendez-vous en septembre pour l’anniversaire normalement.

Et du coup, de quoi consiste ta sono ?

Un stack, 4 scoops shortman en 46 pour 6000w de sub, 2 W-Bin pour le kick bass, 4 colonnes Cerwin VEGA double 38 plus pavillon 1 pouce pour le medium-aigue. System en 3 voies, pas de pré-amplis comme les trois quarts des sounds. En mode cross over techno, 2 platine, une mixette, 2 filtres actifs, et point barre pour l’instant. On joue rarement a une platine.
Beaucoup de gens me disent « ah mais le traitement, le signal, le patin le couffin, le pré-ampli, le processeur numérique.. ». pour l’instant j’ai 2 cross over, et ce week end on a eu les plus beau retours qu’on a jamais eu pour la qualité du son.
le system est harmonieux, j’ai très peu de réglages à faire pour qu’il tourne bien. J’ai une oreille qui ne marche pas donc ça tombe très bien. Je ne vois pas pourquoi j’investirai des cents et des milles dans des trucs qui deviennent obsolète.
On a une sono efficace et on la changera pour rien au monde.

Tu as dit que tu avais acheté les scoops à Lion Roots. Est-ce qu’il y a une partie de la sono que tu as construite toi-même ?

Les 2 W-Bin ont été construits par un ami à moi. Le reste c’est de l’ampli et de l’enceinte d’usine comme les filtres actifs et notre limiteur
Les scoops que j’ai acheté à Lion Roots c’est Shortman, un petit fabricant anglais qui les a fait. Dans le reggae on considère ça encore comme du ‘home made’ ; je pense, vu que c’est un artisan. Très peu de gens le connaissent dans le milieu techno, mais maintenant, les gens qui le connaissent me disent « mec, c’est plus de l’artisanal. Un mec comme ça a beau être artisan, c’est comme si c’était manufacturé, mais de meilleur qualité qu’il soit ».
On n’est pas le son le plus « home made » qu’il soit, ça c’est sûr. En même temps, encore une fois le cliché du « home made » j’en ai un peu rien à faire. Je suis avant tout la pour diffuser de la musique, de la meilleur façon possible, et j’estime que je n’aurais pas fait mieux avec mes mains, donc je suis content de ce que j’ai.

On va changer certainement, la sono va évoluer. On va essayer de faire encore plus fait main. Mais bon, je vais arrêter de faire plein de choses ‘à peu près’, je préfère faire moins de choses et les faire bien. Faire de l’ébénisterie, on a beau être 5, être tous bricoleurs, je pense qu’il y a des gens bien plus doués pour faire ce genre de choses.

C’est comme la production – j’aimerais beaucoup en faire, j’ai plein d’idées. Mais de 1, je ne suis pas musicien, de 2, je suis nul en musique, et de 3 j’ai pas le temps. Moi je vais me concentrer sur gérer mes dates et gérer la sono et passer des disques. C’est déjà suffisamment de boulot pour moi.

Mais encore une fois, pour en revenir au cliché « home made », c’est comme les ‘locks’ : il y a personne qui a des locks dans notre sound system, parce que au final rasta on l’est dans le cœur.

Est-ce que la manière dont tu montes ta sono en soirée change en fonction de l’endroit où tu joues ?

Un petit peu, même si en général on essaye de garder le stack d’un block, vu que l’impact de 4 scoop ensemble est plus important que 2 stacks de 2 scoops, c’est comme ça qu’il a le meilleur rendu. Après si on a besoin pour des diffusions de couvrir un espace plus important, mais moins puissamment, on peut faire différemment.

Vu qu’encore on a plein de pote qui font de la techno, de temps en temps on fait de la location pour des soirées beaucoup plus électronique, et dans ce cas-là il faudra modifier le stack vu qu’il est pas conçu à la base pour faire de la musique électronique.
Pour les platines, en général nous en configuration ‘soirée reggae After All’, c’est : le stack d’un block, les platine en face à 12m, si possible sur la droite. Après ça varie un peu en fonction de l’endroit – intérieur, extérieur… – Mais en général c’est comme ça.
Par contre quand on fait des soirées ou il y a un mélange de genre, ou un peu plus techno, on peut être emmené à faire 2 régies. Une régie DJ en face pour le reggae, et une régie derrière pour les DJ plus électroniques, vu qu’ils mixent beaucoup plus – et s’ils sont trop loin du son il y a un problème de décalage qui se fait, entre le temps que met le son à venir dans leur casque et à passer dans la sono.

Le reggae de manière général a beaucoup d’éléments politique, c’est politisé, très social. Est-ce que tu penses que ces éléments sont toujours là – dans ton Sound et en général.

En général je pense que ça s’est beaucoup perdu. Mais parce qu’on est dans des pays ou la vie est relativement plus facile qu’en Jamaïque. C’est des difficultés sociales et politique en Jamaïque qui ont fait qu’à l’époque cette musique là est devenue politisé.
L’Angleterre, j’y suis allée à une époque où j’avais pas un œil très attentif sur le milieu reggae, donc j’ai du mal à juger. Mais je pense que là-bas il y a un peu des 2. Il y a des danses et des sounds systèmes qui sont très orientés, pas politiquement forcément, mais socio-culturellement ; qui sont avant tout la pour diffuser un message qui soit ‘religieux’, ‘politique’ ou ‘spirituel’. Et je pense qu’il y en a aussi d’autre qui sont beaucoup plus la dans un cadre festif. En Angleterre les deux jouent beaucoup.

Mais c’est peut-être pour ça qu’en Angleterre ça reste LE centre des sounds reggae ?

Possible. En France ça doit exister un tout petit peu aussi – je pense notamment par rapport à des débat récents, à Critical Hifi, de Toulouse. Ils m’ont l’air très très engagées politiquement.
Chez nous, moi j’aimerais bien m’engager un peu plus, mais je me suis rendu compte – de par la free, un petit peu de par les soirées reggae – que malheureusement le message que tu veux faire passer, qu’il soit de paix, d’amour, politique ou autre, au final il y a très peu de gens qui sont réceptifs.

Même dans un dance très individualiste, 100% reggae roots, soit il y a 40 pelos qui sont tous prêt à comprendre ton message et à le diffuser autant que toi – mais dans ce cas tu n’as pas grand-chose à y gagner puisqu’il y a 40 pelos. Soit quand tu commences à faire du 150-200 pelos, il y aura peut être toujours ces 40 la que tu peux essayer de politiser, mais les gens sont avant tout la pour faire la fête et manger du son dans les oreilles.

Apres, je veux dire, c’est normal. On est vendredi ou samedi, les gens ont passés une semaine de merde à taffer, ils sont là pour se relâcher. Ça ne veut pas dire qu’ils sont complétement inconscient, ou que tu peux jouer du Sizzla ou du Buju homophobe toute la soirée non plus. Mais bon le gros de leur attention ne vas pas être sur le message. Il va être sur la musique, sur le côté dansant de la chose plus que sur le message.

Après, encore une fois, j’en ai beaucoup joué du Sizzla et du Buju homophobe parce que j’étais fan du flow et fan des mélodies derrière. Mais maintenant c’est le genre de son que je bannie de notre sono.
La dernière fois on a fait une free, et mon pote le matin a mixé un remix de « boom bye bye » de Buju Banton. Je l’ai laissé faire parce qu’il joue rarement sur notre sono vu qu’il fait principalement de la hard tek, et je veux bien de la musique électronique mais pas du truc de bourrin. Il a mis le disque, je l’ai laissé faire mais c’est la dernière fois que ce son passe sur la sono.

Même si les gens sont avant tout la pour danser, il ne faut pas oublier que les quelques-uns qui comprennent l’anglais ou qui connaissent, eh bien disons que ça peut en froisser certains, et je suis là pour froisser personne. J’essaye de prôner Peace Love Unity Respect, bon, il faut être un minimum cohérent. Je suis prêt à passer sur quelques trucs, quand on fait la fête de temps en temps, mais on est quand même là pour faire passer un message et éduquer un minimum les masses. Si on peut les éduquer en les faisant danser – je ne mets pas que des tunes politiques – mais dans le reggae musique il y a plein de sujets : les femmes, l’amour, la politique… Il faut jouer un peu de tout, ne pas être extrémiste. Les extrêmes que ça soit dans le reggae music ou autre part, c’est pas bon.

Quand j’étais jeune j’étais quelqu’un de très extrême dans mes idées – « mes valeurs, mes principes blablas, j’en démord pas ». Au final, non. Dans la vie c’est bien d’avoir des valeurs et des principes, mais c’est bien de savoir mettre de l’eau dans son vin.

Donc au final lors de tes sessions qu’est ce tu essayes d’apporter d’autre que la musique ?

Oui. Déjà moi j’essaye d’apporter le coût minimum a toute nos session, vue qu’on vient de la free et la free c’est la preuve que tu peux faire des soirées de qualité musicale et gratuite ou presque.
Je pense que c’est réalisable, à échelle différentes, en fonction des lieux et des possibilités, mais tu peux jouer avec le prix d’entrée d’une belle façon.
C’est pour ça quand on fait Marina P et Steppa Style on essaye de le faire a 8e, le même prix que la plupart des soirées sur Aix ou il n’y a que des sounds system. Parce que mes artistes je les ai pas payé cher sur ce coup-là, les billets de train et d’avion non plus, donc je vois pas pourquoi je vais mettre le prix à 10e pour essayer de me gaver plus. Je préfère 8e et faire salle pleine plutôt que 10e … enfin bon là j’ai fait 8e avec une salle vide (rire)

Mais c’est le même constat avec le festival de ce week end, Y’en Aura Pour Tout Le Monde. Et bien je te mets au défi de trouver un autre festival en France et même en Europe avec 24h de musique, plus de 30 artiste de musique, peut-être pas ‘mainstream’, mais reconnus dans leur milieu, pour 10 ou 15 balles l’entrée. C’est le genre de festival que n’importe où ailleurs ça coute 40-50 euros, ou 30 si c’est un peu subventionné. Ça n’existe pas.

Donc encore une fois, quand on veut, on peut. On fait partie d’un mode de vie un peu aléatoire, un peu en marge de la société. On ne veut pas être complétement à l’écart ; on veut juste que les gens comprennent qu’on vit un peu différemment, avec d’autre valeurs que celles de la société de merde dans laquelle on vie. C’est-à-dire manger un peu sain, dormir un peu sain, vivre un peu sain, travailler un peu sain.. Quand on peut faire le tri on fait le tri. Quand c’est trop difficile, bien on ne le fait pas. On est comme tout le monde dans cette société, on est des gros flemmards – mais on essaye tous d’en faire au moins un petit peu pour que le petit microcosme autour de nous soit comme on l’entend, un peu plus beau, un peu meilleur.

Certain te dirons que c’est des valeurs de hippie, mais bon, tu vois ce que je veux dire ? C’est des valeurs auxquelles on croit. De par la free, l’Independence, l’autonomie d’un petit groupe de gens je trouve ça formidable et en plus en essayant de respecter un peu la nature, ce qui n’est pas toujours le cas ni dans les free ni dans les festivals.
Sur un festival comme YAPTLM, c’est super galère. On essaye de faire le tri sélectif, mais tu n’as pas la moitié des gens qui le respecte. On le met en place, et au final c’est pas respecté, mais on continuera à le faire. C’est des valeurs qui restent avec le concept global du festival. J’en parle la parce que ça a été une des plus grosses scènes d’After All à ce jour, une des plus belles progs, une des plus belles expérience humaine, artistique, et une des plus belles expérience technique pour nous. Ce festival la représente des valeurs propres au sound system. C’est ce que tous les membres ont en eux, c’est l’image qu’on aimerai donner du sound system.

Je pense que toute ces valeurs sont dans ce festival Y’en Aura Pour Tout Le Monde, déjà le nom veut tout dire : s’ouvrir à tout, être alternatif c’est bien, mais être ouvert c’est mieux. Et être en marge de la société mais sans non plus être à l’arrache. On est diffèrent, mais c’est pas pour ça qu’on n’a pas été 100% légal sur ce festival-là. C’est pas une free, ça n’a rien de professionnel, mais ça n’a rien d’amateur non plus.

Avec les retour qu’on a eu un petit peu, tout le monde à l’air d’être content, et les artistes, et le public. Donc encore une fois, c’est faisable. Même si le bilan financier ne sera pas formidable et qu’il sera dur de rebondir mais peu importe, le bilan humain et artistique est là. Et on le refera parce qu’humainement ça vaut le coup. Et aussi parce que cette année on a changé de lieu aussi et que le lieu aussi vaut le coup. Ce genre d’évènement ne peut pas se faire sans les locaux. Et ça c’est quelque chose qu’on essaye d’apporter sur tous les évènements. Un truc simple comme consommer local, à tous les niveaux.

Si je peux au maximum, sur mes évènements, faire de la promotion pour les produits locaux, les associations locales, je le ferais toujours. J’avais monté une asso dans ce but la, « Du son Pour Une Cause » pour que toutes les soirées After All soient organisées par cette asso et que sur chaque évènement il y a, que ça soit une cause humanitaire, ou même si il y une asso de ton village qui te plait ? Qui se bouge le cul dans ton village ? tu fais une soirée dans ton village ? Eh bien t’invite l’asso à venir, à monter son stand, pour qu’elle puisse faire parler d’elle, faire sa com’ et son beurre elle-même. Sa marche, tant mieux. Sa marche pas, toi à la fin s’il y avait 1euro pour l’asso par entrée, t’a fait 50 entrée, tant pis, au moins ils pourront se faire une petit bouffe. T’a fait 5000 entrées, tu leur donne 5000 euros. Que ça soit humanitaire, global, ou même pour l’Emmaüs du coin. C’était un projet qui est maintenant en attente, mais on y reviendra.
L’alternatif et l’associatif forment une petite famille, et si chaque petite famille se met ensemble, on est tous un peu plus fort.

Pour revenir sur les raves, free parties. Il y a des points communs avec la scène sound system reggae. Mais est ce qu’ils y a aussi des différences ? Aller en free partie et aller en session reggae, il y a des valeurs similaires à la base. Mais que seraient les grosses différences ?

J’aurais tendance à te dire que vu que les deux commencent à être victimes de leur succès, il n’y a plus grande masse de différence : c’est-à-dire les trois quarts des gens qui vont, peu importe l’affiche, ils y vont pour écouter le musique à faible cout, et a fort rendement. JE pense qu’il y a de moins en moins de différences entre ces deux trucs la, parce qu’ils se sont aseptisés de plus en plus.
Cela a des avantages et des inconvénients. On va peut-être avoir plus de facilité à vivre de notre musique, mais d’un autre côté, tu perds de ton authenticité.

Après, à la base il y avait une grosse différence il y a encore quelques années entre une danse reggae et une danse techno : c’était justement ce côté du message.
Le message techno était acquis. C’était en gros ‘fuck off l’Etat’, on arrive à faire une soirée sans rien ni personne pour nous aider. Tout le coté spirituel il était acquis par quasiment tous les acteurs de la fête, les gens savaient très bien dans quel milieu ils allaient, pourquoi ils y allaient.. Et les soirées reggae étaient au final un peu la même chose mais avec un historique et un message diffèrent. La politique des soirées reggae étaient plus centrés sur des choses vrai, un combat ‘vrai’, de la vie de tous les jours, culturel et social. Le milieu techno était plus utopiste, et le message était un peu plus.. genre les lutins, la foret… (rire), l’autonomie voir l’anarchie. Bref très utopique.

Au final, pour moi de plus en plus, dans ces 2 milieux la, le public est de plus en plus jeune. Il s’aseptise de plus en plus, et donc c’est des milieux de plus en plus proches.
Et ça tu le voit. Je me souviens de mes premiers sounds systems reggae il y a 8-10 ans, ou les gens restaient loin des enceintes. Quand il y a trois stacks, les gens se mettent au milieu, ils ne vont pas se coller au mur. Ils se mettent au milieu là où le point d’impact il est bon.
Et au plus ça va dans les soirées reggae, les gens mangent de l’enceinte, comme dans une soirée techno. J’ai rien contre au contraire je note juste des changements de comportement
Du côté de la musique, l’avantage et l’inconvénient de la ‘Bass musique’, qui prend une ampleur de dingue, c’est que elle mixe ces 2 deux milieu, pour le meilleur et pour le pire.
J’ai toujours eu tendance à dire que les deux milieux vont prendre le pire l’un de l’autre.

Alors pour finir, souvent on dit que chaque ‘sound’ a sa propre identité. En quoi consiste cette identité, d’où viens-t-elle ?

Je pense, avant tout, la musique, et l’affinité musicale du ou des sélecteurs. Un petit peu la philosophie de ses membres. Encore une fois nous on aurait beau avoir dit ‘bon, la techno sa nous a gonflé, on joue plus que du roots, Tu m’enlèveras pas que d’avoir vécu en camion, d’avoir fait des teufs, d’avoir pleins de potes que c’est des punk et des tatoué, tu me verras jamais les renier. Oui, J’ai mon côté rasta, mais je suis tolérant. Beaucoup plus que certain rasta au final.
Donc oui, l’identité vient de la musique, mais aussi de la philosophie et l’état d’esprit de ces membres.

Après j’ai fait une session avec Bass explorer, où les gars de Mahom sont venue jouer. C’était improvisé que je sorte ma sono, du coup on a linké les deux, et j’ai joué.
Les gars de Mahom, quand on a discuté le lendemain et que j’ai expliqué que je venais un peu du milieu techno, m’ont dit que sa se sentais énormément dans ma sélection.

Donc la musique et la philosophie sont très proches. Donc forcément on a une grosse identité qui est très digital, très électronique, très pêchu.. Après dub-électro, curieusement, je kiffe pas trop, genre High Tone. Mais par contre on est fan de certaines sonorités très pêchu. Par exemple chez Riddim Tuffa, il y en a plein qui préfèrent tous les vieux trucs rubadub qu’il fait avec Little John et tout ça. Mais moi en ce moment je suis au také sur le ‘champion’ de Buju Banton, qui a une basse très techno. Et pourquoi ? Parce que ce morceau là je l’ai entendu des tonnes de fois sur des remix jungle, et que quand je le joue je fais des bonds comme si c’était de la techno ou presque car il me rappelle beaucoup de bon souvenirs sur des dancefloors de free
Je pense que la philosophie influence pas mal notre son. Mais encore une fois, on joue que de la musique qu’on aime.

C’est encore plus important aujourd’hui, à l’heure du mp3 ou tu peux jouer n’importer quelle musique relativement facilement.

Alors, justement, sur les vinyl. Maintenant il y a le serrato, le cd… qu’est ce qui fait que le vinyle reste aussi important dans cette scène ?

D’un côté c’est un peu une résistance au digital, d’un côté c’est aussi un peu le cliché ‘c’est comme ça que ça se fait’. Il y a ça un petit peu, il ne faut pas se mentir.
Mais il y a aussi le côté que « bordel, ça fait 10 ans qu’on acheté des vinyles, ça nous a couté une blinde. Je ne vais pas me faire chier à tous les numériser pour jouer que du serrato. »
Apres, on va y venir aussi un peu au serrato. Moi le premier.
Ça fait 10 ans que je chie sur le serrato, et sur le numérique, mais on commence à avoir beaucoup de dubplates, ou de prods originales que pour nous, ou que des copains ont fait et qu’ils n’ont pas encore sortis. Maintenant, j’ai la moitié voir les ¾ de mon set c’est une platine vinyle-l’ordi.

Encore une fois, après le serrato et le numérique c’est une question de moyens. C’est une question de Babylon et de financement. Je vivrais de mon son un peu plus, ou mon son tournerait un peu mieux financièrement, toutes mes dubplates je les ferais presser en vinyle, et je me poserais pas la question du serrato. J’aurais juste mon PC pour les pré-release ou les trucs pas encore sortis en vinyle, et point barre. Mais même les exclusivités, si tu sais que c’est une tuerie, je la presserais.

Le vinyle, c’est surtout le coté ‘c’est la racine’ quoi. Et si tu veux continuer à lutter un minimum contre Babylon il faut garder le vinyle, sinon c’est finis, tu es en plein dedans. Si t’abandonne le vinyle en tant que sound system reggae, tous les morceaux qui disent ‘burn babylon’ tu peux les oublier, parce que tu as fait le premier truc que Babylon t’a dit de faire : abandonner le vinyle et acheter du mp3.

Ça c’est quelque chose qui revient assez souvent, et même dans le coté je construis ma sono, c’est quand même une résistance – que ça soit dans le milieu techno ou reggae. C’est cette indépendance, l’autoproduction, ta sono que t’a fait ou assemblée toi-même…

C’est ça – arriver à contrôler de A jusqu’à Z, pour avoir ton petit milieux. Au final c’est quoi ; C’est bâtir son empire dans l’empire.
Je ne suis pas bête, je suis comme tout le monde. Tu ne peux pas lutter. Mais il ne faut pas baisser les bras non plus. C’est à chacun de faire sa sauce comme il en a envie, et moi j’estime que ma tambouie elle est bonne pour lutter contre Babylon. Je l’ai pas fait pas fais avec le home-made de la sono, mais je l’ai fait en prenant mon poids lourd et en allant jouer au Portugal et en niquant Babylon en allant cramer 2000e de gasoil pour aller poser un festival free au Portugal. Et en trouvant des dates auto géré tout au long du trajet aller-retour
A chacun son idée du ‘burn babylon’. C’est en fonction des moyens que t’a et des idées que tu as, et de ta façon de voir les choses.

Moi je ne me considère pas comme un menuisier, je ne considère pas que le home-made des caissons sa soit vital. Pour moi le but de l’enceinte, elle n’est pas de niquer Babylon, elle est de diffuser ma musique et mon message.
Je préfère niquer Babylon par ma musique et mon message, et en organisant des évènements à 10 ou 15 balles au lieu de 50 euros si c’était Babylon qui les organisait.
Chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. Tant que tu le fait avec le cœur, et avec la passion, un minimum de valeurs et de respects des autres, c’est bon.
Moi ce que je ne supporte plus dans le milieu techno, c’est le côté « je respecte rien », « fuck tout »… Mec, non.. ça marche pas comme ça. Pour bien tout « fucker », ai un minimum de respect et de valeurs, après on verra.

Le plus dur c’est de garder ses valeurs. Apres, j’ai jamais été ni un voleur, ni… je ne sais pas mentir, j’ai jamais été un « bad boy ». Je suis plutôt un gros pacifiste, un gros hippie si tu veux. N’empêche que tu ne m’enlèveras pas l’idée que niquer babylon, t’arrivera à rien à part être malheureux car tu vas niquer du vide !!!
Tandis qu’essayer le combattre de l’intérieur, en faisant un festival à 15 balles organisé par une asso […]
Avec le festival (YAPTLM), ils l’ont redis devant le maire et tout, si ça marche et que ça fait carton, il ne faudra pas attendre 10 ans avant qu’il y ait des gens qui viennent nous envoyer l’hygiène et tous les contrôles possibles. Forcement ca dérangera et ceux qui ont pour but de vivre de la culture la ou nous on fait vivre la culture ….. J’ai déjà vu des entrepreneurs du spectacle menacé des associations qui leur faisait un peu d’ombre ! Il faudra qu’on soit encore plus carré que carré, justement parce qu’on est associatif, et parce que faire des trucs à 15 balles là ou tout le monde le fait à 50, forcement on va se faire taper sur les doigts.

Dernière question : comment tu décrirais une session sound system à quelqu’un qui ne connait pas. Comment tu essayerais de l’expliquer ?

C’est très très dur. Sans dire « il faut que tu y aille », je dirais regarde Musically mad (rire).
Je me suis posé la question notamment pour des amis à moi, qui pourtant ont déjà fait des soirées, genre des dub station, mais qui ne comprennent pas cet acharnement « home made » : je veux faire ma soirée au korigan, avec mes artistes, ma sono, demander des lumières à personnes, pas louer d’équipement. Je leur ai montré Musically Mad. Ils ont compris plutôt bien. Et après ils ont fait une session avec la sono, et puis la puissance de la basse a fini de leur faire comprendre ce qu’était une session reggae.

Et là je peux même pousser plus, un exemple particulier d’un pote à moi. Il été déjà allé au Garance, mais il est jamais entré dans la dub station, il a dû la regarder de loin. Donc après musically mad, déjà il a compris un peu pourquoi je m’acharne à faire ce genre de chose. Après la session Marina P Steppa style au korigan, la basse lui a fait comprendre.
Après le festival YAPTLM dehors, la sono reprend toute sa valeur puisqu’elle n’est plus bridée par une salle. La basse reprend de la valeur, et en plus l’ambiance, le côté utopiste, on est dans un champ tous ensemble, tous réunis, à 15 balles l’entrée, la journée la nuit, encore la journée, a fini par lui faire comprendre ce que c’était.

Apres les gens qui ne connaissent pas est qui veulent comprendre… Franchement non, c’est très très dur. Après il y a une chanson qui est sortie il y a pas longtemps, à chaque fois que je la joue j’ai la chair de poule : schizo de Balle Bacce Crew. Ou ils décrivent ce qu’est leur vie de sound boy. Elle est transcendante parce que les paroles c’est vraiment ça quoi. C’est vraiment ce que je ressens, avant pendant et après une danse. Parce que c’est ce qu’ils décrivent. Le taff pendant la semaine, la session le week-end, et puis la redescente après.

“Il étais une fois… raggamuffin”

KDY Films – par Babacar Sly

Ce documentaire retrace les débuts du raggamuffin en France, et rencontre les pionniers qui ont poussé le dancehall et les sound systems vers l’avant dans l’hexagone et les Dom-Tom.

This documentary explores the roots of raggamuffin in France, and meets the pionners that pushed french dancehall and sound systems to the top.

Avec:
Daddy Yod, Pappa San, Saï Saï, Nuttea, Admiral T, Tonton David… et beaucoup d’autres.